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INTERVIEW : CLIVE HUNT

Clive Hunt

 
Propos recueillis par : Benoit Georges & Sébastien Jobart
Photos : Benoit Collin
le mardi 08 avril 2008 - 12 981 vues

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On pourrait l'écouter pendant des heures. Et on l'a fait. Sa vie est un roman, et Clive Hunt une encyclopédie de l'histoire de la musique jamaïcaine à lui tout seul. Son parcours de petit Mozart jamaïcain l'aura fait se frotter aux plus grands du reggae, lui à qui on prédisait une carrière académique prestigieuse. Il n'a pas 25 ans quand il produit "Satta Massagana" des Abyssinians, classiques des classiques de la liturgie reggae, et probablement l'album le plus piraté de Jamaïque.

Clive Hunt connaît presque tout et presque tout le monde. Une question anodine, une précision facultative lui inspire des dizaines d'autres anecdotes. Son itinéraire d'un enfant surdoué suit les bases d'une success story : le sommet atteint trop tôt, la chute dans la drogue, la renaissance. Aujourd'hui comme hier, on le réclame partout. Y compris en France où il a produit la plupart des succès reggae, de Bernard Lavilliers à Pierpoljak. Ce fils de rasta mène sa barque au bon vouloir des opportunités musicales.



PREMIERE PARTIE
De la découverte de la musique à l'enregistrement des Abyssinians.



Reggaefrance / D'où viens-tu en Jamaïque ?
/ Je viens de Linstead, dans la paroisse de St Catherine. C'est un endroit vraiment particulier pour l'industrie musicale jamaicaine, mais personne n'en parle. Les Soul Defenders, le groupe de Studio One, viennent de Linstead, et y vivent toujours. Ils ont participé à beaucoup de singles de Studio One.

Quand des chanteurs venaient auditionner et que Coxsone leur trouvait du potentiel mais pas tout à fait prêts, il les envoyait vers les Soul Defenders pour répéter. Tout le monde y est allé : Dennis Brown, Freddie McGregor, Freddy McKay, Al Campbell, Horace Andy… J'y assistais mais je n'étais pas intéressé à l'époque.

En France, on te connaît comme producteur, mais tu es avant tout un musicien… un multi-instrumentiste en fait.
Je suis musicien depuis l'âge de 12 ans. J'étais dans une école pour mauvais garçons, je ne l'étais pas mais certaines personnes l'ont pensé. Pas ma mère néanmoins. J'étais à la Stony Hill Approved School, dans une petite banlieue en dehors de Kingston. Dans cette école, en plus de l'éducation classique, il fallait apprendre à développer d'autres talents, manuels. Ce n'est pas comme l'Alpha Boy School, qui accueillait surtout les orphelins. A l'époque, les musiciens, surtout les cuivres, venaient pour moitié de l'Alpha Boy School et l'autre moitié de Stony Hill. Je n'ai jamais tenu à en parler, ma mère n'a jamais aimé cette école. Mais je pense que c'était une bénédiction pour moi, et pour beaucoup de gens qui en sont sortis. J'adore le sport et la salle de musique était mitoyenne au terrain de sport. Donc quand je ne jouais pas, je regardais par la fenêtre. C'est comme ça que j'ai appris, de l'extérieur. J'ai appris chaque instrument, les notes, les accords…mais je n'ai jamais joué physiquement. Je connaissais le solfège, la théorie. Deux mois plus tard, j'en savais plus que la plupart des élèves de la classe de musique.

A la fin du mois de décembre, on pouvait rentrer chez nos parents pour Noël. Cela fait partie de la réhabilitation : les élèves en qui ils ont confiance peuvent rentrer chez eux. Quand ils m'ont dit que j'avais la permission, j'ai refusé de rentrer chez moi. Je ne voulais pas, je me disais que tout le monde se moquerait de moi dans mon village. Je voulais rentrer en étant fier de moi. Je suivais des cours de tailleur, c'était mon activité "manuelle". A 12 ans et demi, j'apprenais aux plus jeunes à le faire, et le professeur pensait que je pouvais finir premier de la promotion. Je suis allé le voir et je lui ai demandé si quelqu'un était déjà sorti premier de deux activités à la fois. Il m'a répondu que non. J'ai donc rejoint la classe de musique, puisque j'en savais plus qu'eux. Le professeur a refusé parce que c'était le jour d'examen, il voulait que je vienne après les vacances. J'ai répondu que je voulais passer le test, que j'avais appris la musique à travers la fenêtre, et j'ai commencé à lui dire ce que je connaissais. Il m'a laissé passer l'examen, et j'en suis sorti premier. Le professeur m'a dit : "à partir de maintenant, tu ne fais que de la musique". Il était militaire et il a commencé à parler de moi à ses amis. C'était très facile pour moi, j'apprenais rapidement la théorie. On a commencé à parler de moi dans les cercles musicaux, avec d'autres jeunes qui étaient comme des "protégés". On me parlait de Cat Coore, Michael "Ibo" Cooper, (qui deviendront célèbres avec Third World, ndlr), Pete Mia, Glen Ricks et quelques autres.

Quand j'ai quitté l'école, l'armée et la police me voulait pour enseigner et jouer de la musique chez eux. Je suis rentré chez moi et je n'avais rien à y faire, donc j'ai travaillé comme tailleur jusqu'à mes 17 ans, en 1969, quand la police m'a proposé de rejoindre leur fanfare. Quand je suis arrivé, les militaires ne l'ont pas vu d'un très bon œil. Ils m'ont fait rejoindre l'armée, où j'ai fait mes classes. J'étais dans le régiment d'infanterie. Une fois mon service accompli, le Gouverneur Général m'a accordé une bourse pour aller en Angleterre. Seulement un étudiant dans chaque pays du Commonwealth est sélectionné chaque année pour y aller. Et j'ai terminé deuxième. Je me souviens des interviews : la BBC est venu m'interviewer parce que j'étais le plus jeune étudiant étranger et que j'ai finit deuxième du collège. La première fois que j'ai joué de la musique pour de l'argent, c'était dans cette école en Angleterre, il y avait un concert de big band. Il voulait un trompettiste, et c'était mon premier instrument. J'étais nerveux, j'y suis allé, il n'y avait que de vieux grands-pères tous gris. Et ils ne me laissaient pas voir la musique. Ils m'ont payé, parce que l'école était très célèbre, ils savaient qu'ils n'avaient pas de souci à se faire si l'école m'envoyait. Je suis ensuite retourné en Jamaïque pour jouer de la musique classique, uniquement. J'étais à l'armée, mais je voulais être docteur en musique.

Comme un musicologue ?
Plus qu'un musicologue ! De nos jours, les musicologues sont des gens qui jouent des disques, des disc-jockeys, autoproclamés musicologues. Ca m'énerve beaucoup dans le reggae : il y a des tas de gens que je connais depuis longtemps, certains étaient là avant moi, d'autres pendant ou après, qui se considèrent comme des autorités dans le reggae. Ils ne le sont pas, ce sont juste des fans. Certains ont peut-être des diplômes, connaissent du monde, peuvent prendre la parole en public, mais ils ne savent pas de quoi ils parlent. La musique : transcrire la musique en notes et en feelings. J'en parlais à Earl Chinna Smith il y a deux jours : depuis que le reggae est devenu le reggae, personne n'a jamais retranscrit une ligne de basse de Family Man (Aston Barrett des Wailers, ndlr) avec son feeling. Personne n'en est capable. Je peux le faire, et je peux expliquer comment faire. Ils ne savent pas écrire ça, je te le dis. Je n'en respecte aucun en tant que musicologue.

Par musicologue, on entendait universitaire.
Oui, c'est ce que je voulais être. Mon professeur de musique le voulait aussi. Il a arrêté de m'adresser la parole quand il a appris que je commençais à faire des sessions reggae. Il ne m'a plus jamais parlé depuis. Il était vraiment déçu, parce que j'avais battu tous les records existants. C'était un homme très classique, droit et bon.

Quand as-tu travaillé pour la première fois sur du reggae ?
Je suis allé faire une session avec Fabulous Five (Fab 5), ils avaient besoin d'un trompettiste. J'étais avec eux, à regarder les filles… En 1971 Lorna Bennett a enregistré Breakfast in Bed pour Harry J, qui a été un gros hit en Jamaïque et en Angleterre, directement numéro 1. Elle devait faire un album, et on m'a appelé pour le faire. J'étais dans les bars pour militaires, à côté du studio, juste à côté du stade, le studio y est encore. Geoffrey Chung, il était mon protégé, son frère Mickey Chung, "Wire" Lindo, Mickey "Boo" (Mickey Richards), Robbie Lynn, je crois Sticky (Thompson), c'était le Now Generation Band… Ils m'ont appelé pour jouer des cuivres, donc j'ai volé des instruments au camp, quelques minutes seulement parce que c'est simple. Je savais déjà que le reggae était facile, pas grand-chose.

Tu ne connaissais pas le reggae avant d'en jouer ?
Non, j'en avais juste entendu. On m'avait appris que c'était des imbécillités, et que je devais dépasser ça, et de beaucoup. Quand ils m'ont appelé, ce n'était rien à faire : c'était comme revenir aux fondamentaux, avec les accords… Ca leur a pris beaucoup de temps à finir le morceau du coup je ne pouvais pas jouer des cuivres. Je commençais à m'énerver, donc je les ai aidés à accélérer le mouvement, à expliquer à chacun la façon de jouer de leur instrument. Ils m'ont demandé de revenir le lendemain. C'était en 1972 et depuis ce jour, c'est comme ça. En dix jours de travail, je m'étais fait plus d'argent qu'en quinze jours à l'armée. Donc c'était vraiment quelque chose.

As-tu rejoins un producteur, ou tu es resté freelance ?
J'étais freelance jusqu'à ce que je travaille avec Geoffrey Chung, parce qu'il était plus organisé avec Now Generation. Mais ensuite j'ai eu des problèmes avec l'armée, que j'ai décidé de quitter. Je me suis rapproché de Derrick Harriot. J'étais chez lui tous les jours, si quelqu'un voulait me trouver c'est là-bas qu'il venait chercher. C'est la seule fois où je me suis vraiment associé à un producteur. Il y a eu une période où je travaillais surtout au Joe Gibb's Studio, mais même si j'étais musicien de session, il y avait des personnes pour qui je ne jouerais pas, je ne travaillerais pas avec. Il y a beaucoup de producteurs et de gens dans le business de la musique que j'apprécie, qui sont des amis, mais avec qui je n'ai jamais travaillé. Je n'ai jamais travaillé pour Bunny Lee ou pour Coxsone, même si c'était mon ami. Mais j'ai travaillé avec Joe Gibbs parce que je faisais le premier album des Abyssinians.

Comment s'est passé l'enregistrement de cet album ? Tu jouais de tous les instruments.
Je vais vous dire comment ça s'est passé, on reviendra sur l'histoire avec Joe Gibbs et les Abyssinians. Mais avant, je travaillais pour une société, Sound Tracks, c'était à la fois musical et politique…

C'était un label lié au PNP (Sound Tracks était dirigé par Pat Cooper, un membre du PNP, et PR de Michael Manley. Il se présenta contre Edward Seaga puis quitta la Jamaïque pour l'Angleterre en 1975)
Oui, le PNP était au pouvoir à l'époque, et dans ce grand bureau, il y avait des gens qui écrivaient des discours pour le Premier Ministre, des conseillers, des Jamaïcains jeunes, brillants, diplômés d'universités. Et même un journaliste célèbre d'aujourd'hui était un de ces jeunes. Tout se passait là-bas, mais dans des pièces différentes. Les musiciens, Geoffrey Chung, Bob Andy avaient un bureau en tant que directeurs de production. Mais j'ai vu des choses, des jeunes rudeboys qui venaient chercher de l'argent là-bas. Tout le monde venait toucher de l'argent tous les jours, tu vois ces jeunes qui ne connaissent rien à la musique et qui viennent chercher de l'argent. Pour moi c'était un vrai coup monté. Mais la musique était là. Les Abyssinians allaient faire cet album, et j'ai signé avec eux. Bob Andy voulait le faire, tout comme Geoffrey Chung Chung, mais ils ont dit : "On veut le jeune".

Tu ne les connaissais pas ?
J'avais déjà travaillé avec eux, avec Geoffrey Chung à la production. Quand deux personnes travaillent ensemble parfois l'une se repose sur l'autre. C'était avant que je fasse le Max Romeo, "Revelation Time" pour la même société. Max Romeo l'a pressé et a commencé à le vendre, puis il a mis son nom en tant que producteur. Beaucoup d'artistes font ça tu sais ; pareil avec les Abyssinians, ils ont écrit "produit par les Abyssinians". Mais tu ne peux pas faire ça quand tu sais que tu n'en approches même pas. Beaucoup de gens ont peut-être gagné de l'argent ainsi, mais quand on voulait ce genre de travail, on venait me voir moi, jamais eux.

Tu es le producteur de cet album, tu étais avec eux dans le studio…
Je suis le seul producteur de Jamaïque qui n'a pas de label. Je ne vends pas de disques, je produis de la musique. Sur cet album, on a rencontré beaucoup de problèmes. D'abord, les Abyssinians voulaient tout l'argent. Donc je n'ai rien eu. Mais je me suis débrouillé autrement, je savais que je pouvais gagner de l'argent en tant que musicien. Quoiqu'il en soit, tous les salariés de l'entreprise ont quitté la Jamaïque parce qu'il se passait quelque chose de politique. Tous les directeurs se sont envolés pour l'Angleterre mais pas Bob Andy et Geoffrey Chung, ils s'en fichaient, ils avaient leurs propres affaires. Donc j'étais toujours dans le studio, et les Abyssinians ne voulaient pas sortir l'argent, parce qu'ils étaient sans le sou. Je suis allé au studio de Joe Gibbs, dans lequel on travaillait à l'époque où ils étaient tous partis. J'ai impressionné tout le monde là-bas, ils ne me connaissaient pas comme Joe Gibbs, mais ils m'ont vu travailler et m'ont demandé de bosser pour eux. Donc j'ai passé un marché : je travaille pour Joe Gibbs et il me laisse du temps en studio pour finir l'album des Abyssinians. J'ai donc travaillé avec Dennis Brown et toute l'équipe. Dennis Brown était déjà un ami, avec Derrick Harriot. A rester chez Joe Gibbs, j'ai beaucoup travaillé et j'ai fini l'album.

Mais quelque chose en vraiment parti en vrille à la fin, parce qu'un des directeurs vivait à New-York. J'ai parlé au mec en Angleterre qui m'a dit de m'adresser au directeur à New York pour faire la matrice. Je crois que suis allé la faire chez Federal. Le gars m'a appelé et m'a dit de garder la matrice et de lui envoyer les press tests (premiers pressages avant validation), ou l'inverse. Je suis donc allé voir Gussie Clarke. A cette époque, c'était un petit garçon, mais je le respectais parce qu'il portait encore son uniforme d'écolier quand il a eu un number one hit en Jamaïque. Il en était le vrai producteur, pas le producteur exécutif comme pour le "Screaming Target" de Big Youth. Il marchait en uniforme d'écolier, avec ses matrices sous le bras… Il m'a dit qu'il avait un business d'exportations de disques, et qu'il pouvait faire les test press. Mais il voulait 500 copies, qui n'étaient pas vraiment les miennes. Il a essayé de me convaincre et a réussi. Je me suis dit "Fuck dem ! ils ne m'ont jamais payé" et je lui ai dit de presser les 500 copies. J'ai apporté la matrice à l'usine de pressage de Jo Jo Hookim, en bas de Chancery Lane, près de l'African Museum. A partir du moment où je lui ai donné la matrice, plus personne n'a voulu me parler pendant quinze jours, je ne pouvais plus récupérer la matrice parce qu'ils étaient en train de presser l'album et de le vendre partout dans le monde, tu te rends compte ! C'est devenu l'un des albums les plus piratés de l'histoire de la musique jamaïcaine. Il est sorti sur 19 labels différents ! Je ne l'ai jamais vendu, une fois pressés, j'en ai donné 1000 exemplaires à Miss Pat (Patricia Chin, ndlr) à VP. Je rigole toujours quand je vais les voir, parce qu'ils en ont encore quelques exemplaires, ils le pressent et le vendent toujours. C'était une histoire vraiment tordue, tu dois le savoir. C'était l'histoire des Abyssinians, j'étais jeune et j'ai appris. Je suis un bon musicien, et c'est pourquoi je ne m'en faisais pas, mais j'étais un mauvais business man. Je devais toujours être au top dans mon travail pour pouvoir maintenir ma famille la tête hors de l'eau, vraiment.

Pourquoi décides-tu de partir pour New-York ?
On était en 1976 et j’en avais un peu marre. Mais je suis quelqu’un de militant et si quelqu’un avait voulu me descendre, je serais parti. Mais je ne suis pas parti à cause de cela, même si Jacob Miller me disait que certains bad boys downtown étaient en colère à la suite de ce qui s’est passé avec les Abyssinians. Je n’y ai pas prêté attention. J’ai cette attitude : si quelqu’un m’en veut, je m’enfuis mais je n’oublie pas et je continue à y penser. Bullwackie (le producteur new-yorkais ndlr) m’a dit un jour, et je ne l’ai pas oublié : « si quelqu’un te cherche, tu ne dois pas te cacher, tu dois aller chez lui et l’attendre, n’attends pas qu’il vienne te chercher. Quand il arrive, tu n’a qu’à prier Dieu ». C’est mon attitude, cela n’a pas de sens de vivre dans la peur. Bullwackie disait aussi : « Va trouver celui qui te cherche, s’il a un flingue, tu en prends un ou deux ou bien tu y vas avec deux ou trois personnes pour t’expliquer ». Parce que tu as de mauvaises personnes et des personnes illettrées qui pensent qu’ils ont le droit de vivre et toi non. C’est un problème pour moi en Jamaïque, je n’aime vraiment pas cela.

Bref, je suis parti parce que quelque chose de grave était arrivé, parce que j'étais lié à ces gens... Beaucoup de gens ont été tués, des femmes et des enfants sont morts brûlés... Je suis allé au bureau et il y avait des gens en pleurs. Ils m'ont dit qu'ils avaient vu le Premier Ministre, qui pleurait lui aussi.

Parce que j'avais mon passé de militaire où j'avais gardé des amis, que j'étais jeune avec le sang chaud, j'ai proposé au mec de faire quelque boulots pour lui, ainsi personne n'en saurait rien. Il m'a pris au sérieux, il est venu chez moi, et m'a dit qu'il avait parlé à d'autres personnes que je ne peux pas citer dans l'interview. J'ai travaillé six mois et je suis parti. J'étais marié à l'époque et je lui ai dit : donnez moi un visa ainsi qu'à ma femme et à ma fille. Ils ont accepté, mais ma femme ne voulait pas. Quand cette personne est partie, je me suis vraiment senti menacé. J'avais mis le pied dedans, désormais. Je suis allé voir un mec qui est producteur et homme d'affaires et je lui ai dit que j'avais besoin de quitter le pays le jour-même. Il m'a donné de l'argent, et je me suis envolé pour New-York alors que je ne connaissais personne là-bas.




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Part 2

Clive Hunt

Propos recueillis par : Benoit Georges & Sébastien Jobart
Photos : Benoit Collin
le vendredi 25 avril 2008


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On pourrait l'écouter pendant des heures. Et on l'a fait. Sa vie est un roman, et Clive Hunt une encyclopédie de l'histoire de la musique jamaïcaine à lui tout seul. Son parcours de petit Mozart jamaïcain l'aura fait se frotter aux plus grands du reggae, lui à qui on prédisait une carrière académique prestigieuse. Il n'a pas 25 ans quand il produit "Satta Massagana" des Abyssinians, classiques des classiques de la liturgie reggae, et probablement l'album le plus piraté de Jamaïque.
Clive Hunt connaît presque tout et presque tout le monde. Une question anodine, une précision facultative lui inspire des dizaines d'autres anecdotes. Son itinéraire d'un enfant surdoué suit les bases d'une success story : le sommet atteint trop tôt, la chute dans la drogue, la renaissance. Aujourd'hui comme hier, on le réclame partout. Y compris en France où il a produit la plupart des succès reggae, de Bernard Lavilliers à Pierpoljak. Ce fils de rasta mène sa barque au bon vouloir des opportunités musicales.



DEUXIEME PARTIE
L'intermède New-Yorkais, Alpha Blondy et Bob Marley



Comment t’es-tu impliqué dans la musique à ton arrivée à New-York ?
Je suis allé à New-York une première fois avec Burning Spear, avec le groupe In Crowd qui jouait pour lui et Linval Thompson. Mais en fait j’ai quitté la tournée, parce que selon moi, les mecs étaient des blagueurs : le groupe dormait dans le salon du promoteur et je ne m’en réjouissais pas. Après le premier concert, je réveille Mikey Boo (qui a aussi joué dans le groupe Now generation et sur l’album des Abyssinians, ndlr) en lui disant : « je me casse en Jamaïque, bomboclaat, je ne dors pas sur un tapis ! » Bref. Quand ma femme a accepté de partir avec moi, on a décidé qu’on le ferait à ma façon, car nous avions un visa. Mais nous n’avions que 70 US$ en poche pour vivre. Mon nom était déjà connu et partout où il y avait du reggae ou même un magasin de disques jamaïcains, aux Etats-Unis ou à Londres, je savais que je pouvais me pointer et dire : « yo, je suis Clive Hunt, j’ai besoin de bosser ». Je savais que j’aurais du boulot tout de suite. J’ai pris une chambre d’hôtel pour ma femme et ma fille, 20 $ par jour. Le troisième jour, j’ai décidé de prendre le train depuis la 42ème rue, Time Square. C’est comme cela que j’ai rencontré Bullwackie.

Je me suis retrouvé dans le Bronx avec le train express et je cherchais quelqu’un qui avait l’air jamaïcain. Au dernier arrêt, je sors et je vois un rasta. A cette époque, si tu voyais un rasta, avec des dreads, tu savais que c’était un « dread », un vrai rasta. Donc je lui ai demandé s’il connaissait des magasins de disques ou des studios dans le quartier. Là il me dit qu’un studio est à deux blocks de là mais que de toute façon, un des gars vit juste à la sortie de la station, sur White Plains Road. Je tape à la porte et en regardant à l’intérieur, je vois un ami à moi, Allah, qui jouait du clavier avec Chalice et qui est maintenant producteur. Il s’appelle Earvin Lynn Allah et il m’appelait Azul. Je lui ai raconté toute l’histoire et il m’a amené voir Bullwackie. Bullwackie a envoyé quelqu’un chercher mes femmes: on a eu une maison le jour même et je bossais dans le studio le soir même. J’ai vécu six ans aux Etats-Unis. Trois ans avant de revenir en Jamaïque et de faire des allers-retours pour des sessions. J'ai travaillé avec Peter Tosh et aussi pour Sam Ash Music, une des plus grandes chaines de magasin de musique aux Etats-Unis à l’époque. Grâce à cela, je me suis intéressé à l’électronique, j’ai même introduit Sly Dunbar à l’utilisation de la batterie électronique, vraiment.

Dans le studio, travaillais-tu comme ingénieur ? Avais-tu déjà mixé du dub avant ?
Je joue de tous les instruments sur les disques: je connais leurs tonalités, leurs clés, la transposition... Tous les producteurs me voulaient pour leurs sessions, même si je ne jouais pas : les gens louaient mes services juste pour que je sois là, pour m'occuper de la session et que le travail avance vite. J'ai fait beaucoup de choses différentes. Je n'ai jamais mixé aucun album moi-même, sans ingénieur, mais c'est moi qui enregistre. Quand on en vient au mix, je me mets en retrait. N'importe quel ingénieur qui a le sens de la musique ne finirait jamais ce travail sans que je sois là. Je produis comme un chef d'orchestre, et je n'ai confiance en aucun ingénieur pour mixer les trucs que j'ai mis du temps à assembler. J'empile les sons les uns au-dessus des autres, comme des tons, des couleurs. Certains ingénieurs ne comprennent pas cela. Donc je choisis le meilleur ingénieur du moment, comme Errol Brown. On était ensemble chez Treasure Isle avant que je ne quitte la Jamaïque. Il travaillait pour Duke Reid ou Miss Pottinger de High Note, qui a produit Culture… J'étais tout jeune, mais c'était moi qui représentais la facette musicale parce que ni Miss Pottinger, ni Joe Gibbs ne venaient en studio. Ils avaient des gens pour le business et moi pour la musique, pour s'assurer que le travail soit bien fait.

Avant d'aller à New-York, j'ai fait un album de dub, le premier album de dub jamais sorti chez Bullwackie. Mais il n'appartient pas à Bullwackie, c'est le mien, fait en Jamaïque : "African Roots act 1". La dernière fois que j'ai enregistré quelque chose à New-York, je suis parti avant la fin. Bullwackie a sorti le truc en l'état mais ce n'était pas ma musique. Il fait ça tout le temps: j'aurais pu envoyer des gars pour s'expliquer avec lui, mais je ne suis pas comme ça. Je ne joue pas un rôle, je ne veux pas être un producteur riche et célèbre, je veux simplement rester le même "roots man", faire simplement du bon travail, m'amuser, rentrer chez moi et attendre le lendemain.

C'est à New-York que tu as rencontré le chanteur Alpha Blondy.
Il n'était pas encore chanteur à l'époque ! Il voulait chanter, il avait quelques morceaux. Il était à l'université de Columbia, et il y avait un concert là-bas. Je ne m'en souviens plus mais ça devait être Burning Spear, Peter Tosh, Max Romeo ou Black Uhuru, quelque chose comme ça. Parce que Alpha est un fan. Moi je suis fan de reggae, pas fan d'un artiste. Certaines personnes sont comme le papier : tu y mets le feu et elles s'embrasent. Alpha est l'une d'elles. C'est un homme terrible, c'est un bon musicien, mais quand il est devenu une star, il a complètement changé. Il s'est mis à se comporter comme une star, tu dois marcher derrière lui, faire de la lèche… Il est devenu fou à New York, il est allé à l'asile, j'étais là-bas avec lui. C'est un lâche, il a peur de sa propre ombre.

Quoi qu'il en soit, je vous raconte l'histoire parce que je veux que les gens sachent. J'étais à ce concert, je n'étais jamais resté aussi longtemps loin de la Jamaïque, trois ans. Je travaillais à Manhattan et j'ai décidé d'y aller. Quand je suis arrivé en coulisses, tous les musiciens et les artistes sont venus me saluer, parce qu'ils savent que je compte en Jamaïque, que je résous les problèmes et que je fais de la bonne musique. Au bout d'un moment, j'ai remarqué ce mec avec un gros dossier dans les mains. Je n'ai pas arrêté de le regarder, à la jamaïcaine : pour savoir ce que le frère veut, si c'est un rude boy… Désolé, mais j'ai grandit ainsi, et mon pays est encore beaucoup comme cela. Il m'a demandé "Qui êtes-vous ?" (il imite l'accent africain, ndlr). "Je ne suis personne" lui ai-je répondu. "Alors pourquoi tout le monde vous parle ?". J'ai répondu : "Je suis l'un des leurs, on a travaillé ensemble, je ne les ai pas vus depuis longtemps et ils sont contents de me voir". Il m'a dit qu'il avait des chansons qu'il voulait que je regarde. Mais je ne suis pas poète, je dois entendre les chansons, les mélodies. Je lui ai donc donné un numéro dans le Bronx et il est venu le lendemain à Bullwackie.

Qu'est-ce que ça a donné ?
A cette époque, dans beaucoup de studios, j'étais l'homme à tout faire : j'ouvre le studio le matin, je mets tout en place… Je veux toujours que le studio soit bien prêt, de sorte que si j'ai une idée, je peux enregistrer. Je testais le piano, la basse et l'orgue. Je jouais War de Bob Marley sur le piano quand Alpha s'est mis à chanter en Français. J'étais fasciné par cet accent africain, et ce chant en Français. J'ai commencé à l'enregistrer. Mais ce n'était rien de sérieux, et Wackie n'avait rien à voir avec tout ça. D'ailleurs, ce n'est qu'il y a quelques années que j'ai appris à Wackie que l'Africain qui était dans le studio à cette époque était Alpha Blondy. Il était choqué ! Mais personne ne voulait le dire à Wackie parce qu'il aurait volé les bandes. On m'a dit qu'elles ont été détruites par une inondation. Wackie a en fait été l'instrument d'une liaison Japon-Jamaïque. Il a rencontré Sonny Ochai (de Tachyon Records, ndlr) le frère de Ischi. Wackie a déménagé son studio chez Sonny, dans sa cave dans le New-Jersey. Rae Cheddie, l'associé de Bullwackie à Londres, m'a dit il y a quelques jours, après toutes ces années, que les bandes ont été inondées. Mais je sais qu'elles sont encore bonnes, il faut juste les amener entre de bonnes mains pour les réparer. Ils ne savent pas, ce sont des idiots. Je demanderai à Sonny s'il les a encore, mais pas à Wackie.

Nous n'avons fait que six ou huit morceaux avec Alpha car il est devenu fou : il ne me reconnaissait même pas. Il est allé à l'hôpital Bellevue pendant un an et nous avons perdu contact. Quand il est sorti, il s'est installé au Texas. Puis il est retourné à l'asile là-bas, pendant un an encore. Voilà ce qui s'est passé : quelqu'un lui a mis de "l'angel dust" dans son spliff. Moi, je suis jamaïcain, rastaman, je ne partage jamais un spliff. Si j'ai de l'herbe je la partage, mais jamais de spliff. Alpha vivait à Harlem où les Yankees faisaient tout un tas de merdes. Alpha était cool, il vivait avec une Jamaïcaine, une fille de Mo'Bay, elle allait à la même université. Je ne l'ai jamais revu sous le nom de Seydou Koné, son vrai nom. J'ai même appelé une de mes chansons Seydou. Je ne l'ai jamais revu jusqu'au prochain épisode…

Tu veux qu'il dire était connu sous le nom d'Alpha Blondy quand tu l'as revu ?
En fait, j'étais en cure de désintoxication en février 1991 et j'étais mal. J'avais bossé avec les Rolling Stones et tout le monde, comme trompettiste, et j'avais commence à faire n'importe quoi, sauf à toucher aux armes. Mais je ne suis pas ce genre de personne: je bois deux Heineken et je suis saoul, je ne fume même plus de spliffs, mais j'ai grandi parmi la ganja et j'aime que les gens la fument autour de moi, juste pour sentir son odeur, son arôme. Mais je ne fume plus car cela me rendait stupide. Donc j'étais en désintox et après quelques semaines, j'avais besoin de vêtements, sous-vêtements etc. J'ai donc appelé Wayne Hammond, un guitariste qui a joué avec Chalice et Jimmy Cliff. Il est venu et a commence à parler de moi aux gens. Après cela, tout le monde me regardait différemment. Ma conseillère, une anglaise, m'a questionné et elle disait qu'Alpha Blondy était son artiste préféré. Moi, je n'avais jamais entendu ce nom. Quand elle est retournée en Angleterre, elle est revenue avec un magazine sur Alpha Blondy, avec juste une photo de ses yeux. Quand je l'ai vu, je me suis écrié "Seydou!". C'est comme ça que je l'ai connu sous le nom d'Alpha Blondy.

Plusieurs années après, quand j'ai produit Lavilliers et Jimmy Cliff avec Barclay, je disais à tout le monde qu'Alpha était mon ami. Un jour, à Paris, un gars m'a amené à l'hôtel d'Alpha à La Défense, pour blaguer, pour essayer de m'embarrasser. Il dit au réceptionniste d'appeler dans sa chambre et celui-ci a rapidement raccroché. Le gars rigolait. Je lui ai dit: "Si Alpha sait que je suis là, il va venir, ce gars a dormi chez moi à New-York !" Ca n'a pas pris longtemps, trois minutes, et il était là à crier "Mister Hunt !". On a travaillé à nouveau ensemble pour deux albums. Mais désormais, nous nous sommes séparés, à cause de différences personnelles et musicales. Pour moi, c'est ok, je considère toujours qu'Alpha est un de vos meilleurs talents, et j'aimerais travailler encore avec lui; pour garder les vibrations musicales vivantes. A une époque, plus personne ne jouait de la musique live en Jamaïque. J'étais le seul. C'est pourquoi je travaillais aux studios Tuff Gong: personne n'y travaillait quand ils les ont achetés, même pas les Marley. J'y allais pour enregistrer mes propres productions, jusqu'à ce que Barclay me contacte pour bosser avec Bernard Lavilliers.

Je produisais Jimmy Cliff et ils aimaient cet artiste: ils voulaient faire quelque avec lui et Bernard Lavilliers. Mais ils ne savaient pas comment l'approcher. Ils m'ont donc demandé et j'ai dit "pas de problème". Et c'est devenu un hit ! Les personnes qui travaillaient avec Alpha avaient du mal à bosser avec lui, ils ne savaient pas où donner de la tête. C'est dommage. J'ai travaillé avec Alpha, avec des gens comme moi et il ne voulait pas nous donner de crédits comme arrangeurs ou des points sur les ventes. Il m'a juste payé un petit cachet tout sec. Quand je travaillais avec Barclay, il m'a payé quatre ou cinq fois mieux pour Pierpoljak que ce qu'Alpha m'avait donné: ils m'ont donné des arrangements, des points, ils m'ont traité comme un gentleman. Même si c'est un frère, Alpha n'a jamais admis ces choses là, et si tu l'interrogeais aujourd'hui à ce sujet tu aurais certainement un autre son de cloche.

Tu as travaillé avec tout le monde, mais s'il y a bien un absent, c'est Bob Marley…
Je n'ai jamais vraiment travaillé avec lui en studio, à cause de certaines vibrations. La première fois que j'ai fait quelque chose avec lui, j'étais dans un groupe et on les accompagnait, je parle des Wailers. J'ai beaucoup appris d'eux, je les aimais bien, j'aimais leur esprit. Leur QG de Tuff Gong était situé "downtown", presque à côté de la boutique de Derrick Harriot, sur Bescent Street, et je faisais partie du crew de Derrick Harriot à l'époque. J'essayais de me faire un nom. On se connaissait avec Bob. Il m'a toujours demandé de jouer pour lui. Quand il tournait au début, il m'avait demandé de jouer de la flûte pour lui, ce que je trouvais ridicule. Mais c'était un de ces instruments préférés. Je me rappelle que quand il faisait cet album, quand il tournait avec une section cuivre, j'étais chez Joe Gibbs pour travailler et il a envoyé Headley "deadly Headley" Bennett pour me demander, car Bob me voulait pour sa section cuivre. Il a envoyé Headley parce qu'il me connaissait. Mais j'ai décidé de ne pas y aller parce que j'ai grandi parmi les rastas et qu'il y avait ces histoires à Trenchtown. Bob était ok mais il y avait tous ces rude boys de Trenchtown qui traînaient chez lui et je n'étais pas là dedans. J'avais un ami, un bon musicien, qui est mort. C'était un ami à nous, à Bob aussi. Bob voulait qu'il rejoigne les Wailers. Lui n'a jamais tourné avec eux mais chaque fois qu'ils revenaient, il était en studio à enregistrer et jouer avec eux. Mais il n'a jamais voulu tourner parce qu'il n'était pas dans ces histoires de bad man et dans ce mauvais esprit. Il y a des choses que tu ne lis jamais sur Bob: il tapait ses musiciens tu sais, il les insultait… Personne ne peut me traiter comme ça, jamais. Et s'il l'avait fait, je serais parti loin de tout ça, sérieux. On en parlait récemment avec Chinna, parce que Chinna a aussi travaillé avec Bob et n'a jamais tourné avec lui, pour les mêmes raisons. C'était plein de mauvaises vibrations, de bad boys. Je n'ai donc jamais vraiment travaillé avec Bob, à cause de cela. Mais j'aime ce qu'il a fait pour le reggae.

Il est incontournable…
J'ai réalisé récemment toute l'importance de sa célébrité. Quand j'étais en Afrique avec Alpha Blondy, quand les gens me présentaient et mentionnaient ma biographie, tout le monde voulait m'interviewer sur Bob. Il est arrivé la même chose avec Chinna, en France, quand quelqu'un l'a interviewé. Il était énervé parce que cette personne n'arrêtait pas de le ramener à Bob Marley. Moi, je m'en fous, mais chaque fois qu'on me parle de Bob Marley je dis: "Bomboclaat, qu'est-il arrivé à Peter Tosh ou Dennis Brown ?" Parce que quand Bob était en vie, si tu lui demandais quel était son artiste préféré, il te répondait Dennis Brown. Quand tu dis reggae, les gens en-dehors de la Jamaïque disent Bob Marley, toujours. Quelques-uns parmi nous, qui sommes de vrais connaisseurs de reggae, savent que beaucoup d'artistes ont contribué, et Bob a juste pris de tout cela et il a pris les meilleurs d'entre nous pour travailler avec lui, comme Wire Lindo. Et Chris Blackwell a fait un très bon travail de marketing pour faire le package. Beaucoup de personnes se considèrent comme rasta maintenant, mais les rastas ne coupent pas leur locks, sauf s'ils sont malades ou si elles tombent. Bob les a coupées plusieurs fois. Quand il a commencé à faire pousser ses locks, Chris Blackwell a vu cela comme une image qui allait bien. Et sa famille aussi : son père, un Anglais blanc, sa mère, une Jamaïcaine noire. C'est du marketing parfait.

Et ça a marché : depuis, il est l'arbre qui cache la forêt.
Après 10 ans, tout le monde considère que le reggae est une musique rasta. Non, la musique rasta est le nyabinghi, le reggae est une musique de "baldhead". Aucun manque de respect envers Bob, grâce à lui, moi et ma famille nous pouvons nous nourrir, et beaucoup d'entre nous aussi. Bob a fait beaucoup pour la Jamaïque et les Jamaïcains. C'est ok pour moi. Mais beaucoup de gens, comme Alpha Blondy, disent : "Clive est producteur, il a travaillé avec Marley". Je n'ai jamais travaillé avec Marley en tant que producteur, juste en tant que musicien à l'accompagner. J'aurais pu faire partie de l'aventure, car je savais que si je m'étais impliqué ne serait-ce qu'une heure pour une session avec Bob, je serais resté avec lui toute sa vie. Parce que si j'ai vraiment besoin de travailler, je sais comment faire bonne impression sur n'importe quel musicien, de façon à ce qu'on soit lié à vie. Parce que je suis bon à ce point, sérieux. Il faut se rappeler que pour moi le reggae est une musique très basique, c'est de l'A-B-C. Moi j'ai appris de A jusqu'à M peut-être, donc si je vais sur D, E ou F, je suis déjà au-dessus du lot. Au royaume des aveugles les borgnes sont rois ! Mais je ne pouvais pas m'associer avec tout ce climat social autour de Bob, les rude boys, même si la première école où j'ai été était à Trenchtown et que j'y ai grandi un peu. Je suis un petit homme calme, mais s'ils avaient voulu me rendre fou, je le serais devenu et alors j'y aurais perdu la vie.


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