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Date de mise en ligne : dimanche 13 février 2005 - 25 426 vues
La fin des "burn battyman"?
Le conflit ouvert entre les associations défendant les droits des homosexuels et les artistes reggae vient peut-être de trouver une issue : un cessez-le-feu a été signé avec les maisons de disques. Les artistes pourront donner des concerts sans la pression des associations, mais à la condition de ne plus donner de "burn battymen".
Quatre mois de négociations auront été nécessaires à l'aboutissement d'un accord entre les deux parties. En face des défenseurs des droits des homosexuels (les associations anglaise Outrage ! et jamaïcaine J-Flag) se trouvaient les maisons de disques Jet Star, VP, et Greensleeves (90% du marché dancehall à elles trois) ainsi que les tourneurs Jammins et Apollo Entertainment. Tous les protagonistes du conflit étaient donc présents… sauf les artistes.
Selon l'accord signé, aucun artiste appartenant à ces maisons de disques ne pourra désormais proférer d'insultes à l'encontre des homosexuels, en studio comme en concert, en Jamaïque comme dans le monde entier. Les six sponsors les plus importants en Jamaïque ont fait savoir qu'il ne soutiendrait pas les artistes refusant de se plier au cessez-le feu. De leur côté, Outrage et J-Flag mettent un terme à la campagne Stop Murder Coalition, et les plaintes en vue d'annuler des concerts ou d'empêcher la venue d'artistes n'auront plus cours. L'été dernier, l'opposition entre de nombreux artistes (Beenie Man, Elephant Man, Buju Banton, Vybz Kartel, Sizzla…) et les associations de défense des droits des homosexuels avait pris un nouveau tournant avec les nombreuses annulations de concerts, interdiction de séjour, et boycott des radios (voir dossier).
Ce cessez-le-feu est donc une victoire pour les maisons de disques qui restaurent l'image du reggae auprès du grand public international. « Les débats étaient assez tendus, a confessé au Guardian Montieth Illingworth, le porte-parole de VP. Ces affaires ont beaucoup touché le reggae, aussi bien financièrement qu’en terme d’image. On espère que ça ne recommencera pas. Le deal a été long a conclure. » La satisfaction est donc de mise. Même son de cloche chez Outrage où l'on affirme que « tout le monde est content. Les chanteurs peuvent faire des concerts, les fans peuvent voir leurs idoles, et les homos ne seront plus insultés. C’est un premier pas vers la restauration du "One Love" de Bob Marley ».
Ou presque. Car si l'heure est aux félicitations, reste qu'aucun artiste n'était présent lors de la signature de ce cessez-le-feu. Et la promesse de l'absence d'insultes n'est garantie que par les labels influents et les sponsors généreux. Cela ne signifie pas non plus le retour de certains artistes en Europe, qui pourraient refuser de se plier à ces nouvelles règles. Le 25 novembre dernier, sur les ondes de la BBC, Sizzla avait refusé de s'excuser malgré son interdiction de séjour au Royaume Uni. On se souvient aussi du revers de Vybz Kartel qui, peu après avoir publiquement annoncé qu'il renonçait aux textes « anti-batty », enregistrait No Apology où il diminue la portée de ses déclarations. Enfin, l’accord ne concerne que les trois maisons de disques qui l’ont signé : Capleton, qui vient de quitter VP pour son propre label (David House, sur lequel sortira son prochain album), ne sera de facto plus concerné par ce cessez-le-feu.
Article écrit par Sébastien Jobart
Tags : Homophobie (33)
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