Chronique écrite par Rémi Capdevielle le lundi 12 mars 2012 - 11 813 vues
Ils ont tout vu, tout fait. Mais avoir contribué à certains des plus gros succès jamaïcains ne leur suffisait pas. Sly Dunbar et Robbie Shakespeare nous reviennent en cette année qui célèbre les 50 ans de l'indépendance de la Jamaïque avec un album exclusivement instrumental. Un opus hybride, à mi-chemin entre dub tellurique et beats tribaux. Mais pas question ici de réécrire l'Histoire. Ce "Blackwood Dub" est avant tout un exercice de style. Sans doute parce que le binôme considéré comme étant la crème des musiciens de studio reggae n'a plus les mêmes affinités avec les artistes de la nouvelle scène. Sans doute aussi pour aller voir ailleurs. De l'autre côté de la reverb.
Car outre cette maestria rythmique aux allures de cours de solfège, Sly et Robbie nous enseignent avant tout qu'un style musical est transcendable à volonté. Du dub à l'electro, il n'y a qu'un pas, que « Drumbar » et « Basspeare » franchissent allègrement. Le niveau de ce "Blackwood Dub" oscille entre dub planant (The Bomber, Frenchman code), électro entêtante (Burru Saturday, Riding East) et guitare-basse envoûtante (Dirty Flirty, Communication Breakdown).
Bien épaulés par des pointures et amis de longue date comme Mickey Chung, Ansel Collins, Skully ou Sticky Simpson, Sly and Robbie nous fournissent donc un objet musical non-identifiable, de par sa rythmique surprenante et nuancée, à mille lieux de l'album dub conventionnel. Et quand le tout est mixé au studio Harry J sous l’œil avisé de Gilroy « Rolex » Stewart et d'Alberto « Burur » Blackwood, on saisit plus aisément le caractère technique de l'opus. Chaque arrangement est finement ciselé, chaque instrument a sa place. On sent là le poids de l’expérience d'une dream-team d'anciens inspirés et toujours aussi virtuoses. Comme quoi le renouveau du reggae n'appartient pas forcément à la nouvelle génération.