Trois semaines après la signature du mandat d’arrêt contre « Dudus » (voir news du 24/05/2010) et deux semaines après la violente opération des forces de sécurité sur Tivoli Gardens (la plus meurtrière jamais conduite en Jamaïque, voir news du 26/05/2010), Christopher Coke est toujours introuvable. La Jamaïque continue de vivre au ralenti, au rythme de cette crise majeure : l’industrie touristique accuse le coup et même l’activité musicale s’en ressent, alors qu’un couvre-feu a été imposé à Kingston et St Andrew.
Le gouvernement jamaïcain a par ailleurs clarifié ses intentions en avouant, promesses à l’appui, que la traque de « Dudus » et la situation d’état d’urgence seront l’occasion d’une vaste campagne de lutte contre le crime organisé.
En tout, depuis le début des opérations, on dénombre officiellement plus de 70 morts, mais ils pourraient être plus de 100 selon des témoins qui rapportent que les autorités auraient fait disparaître des corps. Une bonne soixantaine d’armes, près de 80 engins explosifs et presque 15 000 munitions ont été collectés au fil des interventions à Tivoli, dans le centre-ville de Kingston (comme ce lundi à Matthews Lane) et à St Andrew.
Au fil des libérations et des arrestations, l’enceinte du stade National Arena ne désemplit pas : 600 personnes y seraient toujours détenues, mais une minorité seulement sera poursuivie. L’état d’urgence, décrété par le gouvernement le 24 mai, permet en effet des emprisonnements préventifs pour des motifs de sécurité. C’est également en vertu de ce dispositif qu’une liste d’environ 35 chefs de quartiers a été publiée. La majorité d’entre eux s’est rendue et ne devrait pas non plus être poursuivie pour le moment.
Outre « Dudus », qui figure en numéro un sur cette liste, et plusieurs de ses relations d’affaires, son entourage familial est aussi concerné. Sa sœur Sandra et son frère Leighton, surnommé « Livity », se sont ainsi rendus grâce à la médiation du révérend Al Miller. Ce dernier s’était d’ailleurs longuement entretenu avec « Dudus » avant les opérations sur Tivoli.
Restent de nombreuses interrogations sur la gestion de cette crise par le gouvernement. Earl Witter, le « Public Defender », a été saisi de quantité de témoignages de violence excessive : beaucoup de cas posent questions et accréditent les accusations d’exécutions. Plusieurs organisations citoyennes (églises, patronat, syndicats, médias et même des policiers retraités) appellent les autorités à plus de transparence. Elles fustigent également le manque de stratégie à long terme qui risque fort de remettre en cause les grandes promesses de changement.