Le monde du reggae connaît de nouveau une triste perte : Philip Burrell, prolifique producteur plus connu sous le surnom de Fattis, est décédé hier à l’Hôpital Universitaire des West Indies où il avait été admis deux semaines plus tôt, des suites d'une crise cardiaque. A la tête de son label Xterminator, il a activement contribué au renouveau roots et spirituel des années 90. Peu productif ces dernières années, il était revenu aux affaires en 2011 avec plusieurs riddims.
Avant de monter le label qui fera sa renommée, Fattis dirige successivement les labels Kings & Lions qu'il lance en 1984, produisant notamment Sugar Minott, puis Vena (Pinchers, Sanchez), fondé en 1986. De quoi s'armer avant son heure. Avec Xterminator, fondé en 1988 (sous le nom Exterminator), il impose son style et regroupe autour de lui et de ses musiciens du Firehouse Crew (avec Sly Dunbar et Dean Fraser, qui aura même droit à un album instrumental, une rareté dans le reggae moderne) une nouvelle génération de talents.
Fattis mène sa barque sans se soucier du travail des autres, suivant sa vision. Homme discret, profondément rasta, empreint d'une mystique certaine (il croyait aux pouvoirs de la numérologie et les appliquait au quotidien), il participe activement au retour de la spiritualité dans la musique jamaïcaine, accompagnant l'émergence d'une nouvelle génération d'artistes culturels.
Xterminator ne rime pas avec Sizzla, mais c'est tout comme. Difficile de penser au second sans évoquer le premier. "Praise Ye Jah" (1997) reste comme un authentique chef d'œuvre de ce renouveau spirituel roots. Et que dire de Luciano dont Fattis polira les mélodies de l'album "Where There is Life" en 1995 puis "Messenger" l'année suivante. Le Messenjah quittera le label en reprochant à Fattis de se concentrer uniquement sur la carrière de Sizzla. Parmi les autres indispensables du label, citons également Ini Kamoze, Cocoa Tea ("Israel's King") et l'album "MLK Dub".
Fattis Burrell vient d'écrire certaines des plus belles pages du reggae, mais le passage de l'an 2000 ne réussira pas au label. Ras Shiloh, Turbulence, Chezidek ou Prince Malachi ne rééditent pas les performances de leurs prédécesseurs et Xterminator perd progressivement de son influence.
Après cette période de disette, Xterminator était de retour aux affaires en 2011. Des livraisons qui présageaient du bon pour le futur. On ne saura jamais si Fattis aurait contribué à relancer le roots et la spiritualité comme il y a vingt ans. Le top producer des années 90 s'est éteint.