INTERVIEW :
Propos recueillis par : Paul Bastrot
Photos : www.sentinelsound.de
le samedi 11 février 2006 - 11 271 vues
Réalisée à quelques jours de leur venue à Paris, il était important de présenter le nouveau champion du monde des sounds systems, Sentinel « The everlasting Sound ». Originaire de Stuttgart, ils ont réalisé l’exploit de battre en octobre 2005 à Brooklyn la crème des sounds tels que Mighty crown, Bass Odyssey ou Black Kat. Il était donc important de présenter ce sound allemand qui après être devenu un leader européen est maintenant rentré dans la cour des grands sounds internationaux. Elmar, le fondateur du sound a accepté de répondre à quelques questions.
Reggaefrance / Pourrais tu nous faire une petite présentation de Sentinel, vos débuts, votre découverte de la musique jamaïcaine ? / Ma première expérience du reggae fut en 1995 lors d’un voyage en Jamaïque ou j’ai pu apprécier les vibes de l’île, des gens et de la musique. A cette époque j’écoutais déjà du reggae par le biais de cassettes mais je n’étais pas vraiment investi dans cette musique ni dans la culture du sound-system. J’écoutais beaucoup de drum and bass et de jungle, j’ai retrouvé les mêmes influences dans le reggae qui en est la base. En 1996, nous avons commencé à aller voir le sound résidant de Stuttgart Super Nova qui nous a lancé, puis nous avons alors monté avec Nadia le sound system Sentinel. Nos motivations étaient le plaisir de jouer cette musique et petit à petit le crew s’est agrandi avec Mario, Uli, Tobi, Bongsi et Thilo.
Comment était la scène sound-system allemande à l’époque ? Qui vous a influencé ? A cette époque, ce n’était pas aussi populaire, il y avait des sounds locaux et aussi d’autres plus importants comme Silly Walks, Pow Pow, Soundquake, Concrete Jungle…. Les dubplates n’étaient pas aussi répandues, c’est vraiment Pow Pow qui les a développées ici, nous allions les écouter à nos débuts en prennant claque sur claque à chaque nouveau dub qu’il jouait.
Nous faisons partie de la seconde vague qui s’est investi dans le sound-system comme Supersonic, nous voulons élever encore le niveau et rendre plus forte la culture du reggae/dancehall en Allemagne.
Vous êtes allé plusieurs fois en Jamaïque, quels sont vos sentiments sur ce pays ? Les sentiments sont partagés car c’est parfois entre l’amour et la haine. Visiter ce pays est indispensable pour tout amateur de reggae pour ressentir les vrais vibes, la façon dont les gens ressentent la musique parfois violemment dans certains sounds qui jouent du dancehall-hardcore. J’ai tout d’abord été là-bas pour les vacances, ensuite j’y allais aussi pour le reggae business et pour les vacances. Maintenant je n’ai malheureusement pas assez de temps pour les deux alors je me concentre sur le travail de studio à Kingston.
Ou préférez vous cutter vos dubplates ? En Jamaique ou en Europe ? En Jamaïque, il est plus facile d’accéder aux artistes, directement ou non, mais ce n’est pas un vrai problème. Les choses se compliquent quand il faut prendre rendez-vous, trouver les bons riddims, le bon studio, nous n’avons pas ces problèmes quand nous sommes en Allemagne. Cependant en Allemagne, il est parfois dur d’accéder aux artistes car ils sont en tournée. Le nombre d’artistes est minime en Europe et beaucoup de gros artistes ne viennent jamais.
A l’écoute de vos jugglings on entend beaucoup d’originalité dans votre façon de cutter des dubs, d’ou vous viennent ces idées ? Peux tu nous citer quelques anthems ? Ce que j’aime dans les dubplates c’est la possibilité de créer quelque chose de nouveau, pas juste un remix. Vous pouvez changer les lyrics, les riddims, créer un morceau unique, c’est ça que j’apprécie. Il est difficile de citer des anthems, nous avons un Max Romeo « The Everlasting sound », nous avons un TOK sur le Clappas « Everlasting Sound » qui a mash up beaucoup de dances. Nous avons aussi d’excellents Sizzla qui est mon artiste préféré et aussi un dubplate de Cecile « Top a Top » que nous aimons beaucoup, le mieux c’est de venir les écouter vendredi à Paris (rires).
Une autre de vos particularités est la présence d’une femme dans votre sound ? Que cela vous apporte-t-il de différent ? C’est très positif, nous aimons les femmes et nous voulons les big up dans nos danses. C’est bien car Nadia apporte un plus. Elle assure autant que n’importe quel mec derrière des platines, elle donne confiance à toutes les demoiselles qui sont investies dans le business.
Les sounds allemands sont maintenant les leaders européens, quand aura lieu le clash Sentinel / Soundquake / Supersonic ? Je ne sais pas si cela aura lieu, car chacun veut explorer d’autres horizons, ils veulent en premier lieu clasher d’autres sounds internationaux pour faire leur nom aussi.
Quel sound voudriez-vous clasher dans les mois à venir ? Nous avions un clash avec Sound Trooper qui a été annulé en avril, j’espère pouvoir le faire en mai ou juin et je m’occuperais de la tête de Trooper (rires).
Parlons de votre exploit de 2005 au World Clash à New York, comment avez vous étés choisis ? Nous avons attiré l’attention en clashant Soundquake en Allemagne, de même après notre prestation au Riddim Clash. Nous avons également clashé Gramina à Rome et nous avons été les premiers allemands à clasher en Jamaïque avec Turbo Force. C’est ce qui nous a fait connaître internationalement mais je pense que Soundquake ou Supersonic aurait également pu aller représenter l’Europe au regard de leurs dernières prestations en clash.
Vos sélections ont beaucoup plu au public new-yorkais, habituellement très froid à l’égard des nouveaux sounds, quels sont vos sentiments à ce propos ? C’est difficile de parler de ça personnellement, je n’ai pas vraiment ré-écouté les rounds des autres sounds pour comparer mais je pense qu’ils ont aimé notre énergie et la façon dont nous avons travaillé nos lyrics. Ils apprécient les spécials et les speechs bien placés, nous avons eu des forwards récurrents et nous avons essayé de maintenir la pression du début à la fin de chaque round : si un tune floppait, nous passions directement au suivant pour que le public ne retiennent que les forwards.
Quelle était votre stratégie ce soir là ? Face à ces sounds il faut être malin. Ils ont beaucoup d’anthems mais certains de leurs anthems sont tellement vieux qu’ils deviennent parfois un handicap car tout le monde les connait et certains veulent des nouveaux dubs. Pantha de Balck Kat avait une position difficile après ses quatre victoires et il est resté dans ses classiques sans apporter rien de nouveau, cela n’a pas marché. Je pensais que Mighty Crown jouerait beaucoup mieux mais ils n’ont jamais vraiment réussi à trouver la voie, heureusement car ils peuvent devenir impossible à stopper quand ils sont lancés après de gros forward. Certaines personnes sont très critiques contre eux à NYC, cela nous a peut-être aidé mais je ne pense pas que nous aurions gagné sans une excellente performance ce soir là. Nous n’avons fais aucun répit, à aucun sound, c’est ce qui a plu à New York : « real sound war » !
Pensez vous que votre victoire va aider la scène européenne à se développer et à ouvrir les yeux des jamaïcains sur ce qui se passe ici ? Beaucoup de gens me demandaient comment les jamaïcains avaient réagis à notre victoire, s’ils avaient été déçus que nous battions leur propres sounds. Ils sont très contents de voir que des gens qui viennent de si loin s’intéressent à leur musique. Ils sont flattés de voir l’intérêt que nous portons à leur culture et le fait que nous soyons blanc fait encore monter le buzz.
Maintenant le business en Europe est encore très différent des autres pays comme les Etats-Unis ou le Japon. Les artistes ne peuvent pas gagner autant d’argent ici. Les prix d’entrées sont beaucoup plus bas, les gens sont moins ancrés dans les nouveaux tunes, il faut plus de temps pour que les nouveaux artistes percent. Ils serait impensable par exemple de voir Voicemail remplir une salle allemande comme il le font en Angleterre.
Certains fans de clash regrettent les un contre un remplacés par des clashs avec quatre ou cinq sounds, qu’en penses tu? Il y a des avantages et des désavantages dans les deux. En un contre un, il faut une box très lourde : c’est là qu’on voit les sounds complets. Dans l’autre cas, il est parfois plus facile pour un plus jeune sound de faire sa place. Je pense que c’est aussi plus excitant pour le public de voir plus de deux sounds, mais pour les vrais fans, c’est vrai que le clash en un contre un oblige chacun à montrer ce qu’il a dans le ventre.
Vous êtes programmé au UK Cup Clash, mais vous n’êtes plus maintenant des outsiders, pensez vous qu’il sera difficile de vous maintenir à ce niveau ? Non, je ne pense pas car l’Angleterre est un nouveau territoire, ce sera plus dur de rejouer à New York car cette année nous avons pris le trophée comme une tornade. Il est dur de se maintenir à ce niveau. Black Kat est un exemple à respecter pour cela car le public de New York est très dur avec les champions. Mighty Crown a pourtant donné tout ce qu’ils avaient pour redevenir champion à New York, mais le public rechigne à donner plusieurs fois un trophée au même sound. En Angleterre, c’est encore un nouveau challenge, un nouveau territoire à conquérir, il faut que nous prouvions la qualité musicale de notre sound et je pense que nous avons aussi nos chances pour gagner.
Je vous le souhaite. Elmar, un denier mot pour les massives de France ? Big up à tous les massives de Reggaefrance.com, nous sommes très heureux de venir en France, rendez vous à la Maroquinerie pour une grande nuit de dubplates et de lives avec Sentinel « The Everlasting sound », Guiding Star, YT qui est un wicked dj et Papa Tank. Bless.
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