INTERVIEW : RICKY CHAPLIN
Propos recueillis par : Benoit Georges
Photos : Benoit Collin
le vendredi 04 août 2006 - 6 809 vues
Moins connu que son frère Charlie Chaplin, Wifred Chamber a cependant côtoyé dans l’ombre du « Principal » les grands noms de la fin des années 70 et du début des années 80, sans jamais s’écarter des thèmes conscients qui ont fait la réputation de son frère. Apparaissant sur l’album "Fisherman Style" des Congos sorti cet été, Ricky Chaplin faisait aussi ses premières scènes en France à l’occasion du festival Ja’Sound. Accompagné de son acolyte Prince Jazzbo, ce dread massif à la voix puissante semble ravi d’être de l’affiche : l’ambiance qui règne à Bagnols lui rappelle, nous dit-il, le Sunsplash jamaïcain. C’est donc avec enthousiasme qu’il accepte de faire le point avec nous et de présenter ses derniers projets.
Reggaefrance / C'est ton père qui t'a initié à la musique. Ricky Chaplin / Quand j'étais petit, dans les années 70, mon père était le leader d'un groupe. Je me souviens le regarder répéter le soir. C'est donc quelque chose d'inné, parce que ma mère était également chef des chœurs à l'église. Mon frère est Charlie Chaplin, également dans le divertissement, ma sœur Debbie chante à l'école. Et j'ai aussi deux petits frères, l'un fait du rap et l'autre est deejay.
Ton frère Charlie t'as-t-il influencé d'une manière ou d'une autre ? Il l'a fait de beaucoup de manières ! Je disais que c'était inné, mais lui m'a aidé à l'exprimer et à me faire savoir que c'était en moi. Le regarder en danse, écouter ses morceaux sur cassette, tout cela m'a fait comprendre que c'était en moi également. Il m'a donc beaucoup inspiré.
Tu as tourné avec des sound systems importants tel que Stur Garv ou le sound de Jack Ruby… Oui, en Jamaïque à cette époque j'ai travaillé avec tous les sound systems importants : Socialist Roots, Stereograph, Stereophonic, King Jammy's, Jah Love Sound… Tu as beaucoup de sounds et j'ai joué avec tous ceux-là. A l'époque, tu n'avais pas de riddims créés sur ordinateur comme maintenant. On jouait en groupe, acoustique. Live riddims !
La compétition était rude à cette époque. True ! A chaque danse ou tu allais, ils jouaient le Burial (la marche funèbre, ndlr). A l'époque, il fallait être conscient, tu n'avais pas le slackness. Je viens d'une famille culturelle et catholique. Donc c'était strictement culturel, freedom music, reality music.
Stereophonic était pourtant un sound connu pour ses orientations "slackness"… Right, mais nous on essayait de changer ce son, du "slackness" au "righteousness". Mon frère Charlie Chaplin, Brigadier Jerry et moi, chaque fois qu'on montait sur scène, il n'y avait pas "slackness". C'était une soirée comme une Church Night.
Avec SturGarv, l'ambiance devait être complètement différente. Oui il y avait U-Roy, Jah Screw, mon frère Charlie Chaplin, Josey Wales… On était une famille. On ne parlait que d'amour, à prêcher le bien dans la communauté. Faire savoir qu'il y a plus que ce que les gens peuvent voir, que Rastafari est le créateur. Ce que je veux vraiment, c'est voir tout le monde réunit, Blanc ou Noir, construire leur amour sur une même fondation. Because we all are one. Pas de missile Scud, pas de bombe ni de flingues. On a seulement besoin de guitares, de batteries, et d'amour. C'était là notre message.
Ton premier single a été enregistré par Fattis Burrel. Oui, c'était This whole wide world. C'était mon premier morceau. Je l'ai fait pour Fattis, à l'époque son label était Vena. Après ce single, il a voulu qu'on continue à travailler ensemble et m'a demandé un album. On a réunit 10 morceaux, et on l'a appelé "Skin up". Il a plutôt bien marché. J'ai fait plusieurs tournées avec cet album, dans les îles, en Angleterre… En fait, c'est l'album qui m'a le plus fait voyager à l'époque.
Prince Jazzbo est vieil ami, depuis longtemps… Oui, Prince Jazzbo est vraiment un "backbone" de cette musique. Tout ce qu'il touche devient de l'or. Je l'appelle "Goldfinger". Il a un studio, si tu vas enregistrer un 45 tours là-bas, il va te donner des conseils, comme de ne pas utiliser tel ou tel mot. Et si tu l'utilises quand même, ta chanson n'ira nulle part ! Mais si tu suis ses conseils, le morceau devient un hit. Il fait partie de ceux que j'admire, et qui m'ont beaucoup inspiré. J'ai fait un album, "Freedom", il est celui qui m'a permis de le réaliser.
Vous avez eu un hit ensemble en Californie avec le morceau Unity C'était un morceau enregistré pour Cedella Marley, la fille de Marley, à Tuff Gong. Il s'est classé 1er des Black Reggae Charts de San Diego en Californie pendant huit semaines. Puis je l'ai remixé et mis sur l'album "Freedom".
Tu as enregistré pour l'un des fils de Coxsone Dodd Oui, c'était avec Junior Dodd. J'ai enregistré une chanson pour lui, Chant. Elle a plutôt bien marché aussi.
Récemment, on t'a vu sur l'album des Congos, "Fisherman Style". J'ai fait un single, et une combinaison avec Luciano. J'en ai aussi faite une avec Charlie Chaplin et une autre avec Prince Jazzbo.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ? Je lance un nouveau label, qui portera le nom de ma fille et de mon fils, Kim & Richie Productions. On va sortir l'album "Freedom" sur ce label. J'ai un nouveau 45 tours, que j'ai avec moi. Il s'appelle Your Works et marche bien en Jamaïque.
Un dernier mot ? Oui, je voudrais dire à tous les Jamaïcains, tous les Français, que ce dont nous avons besoin, c'est d'amour. Les ennemis savent que l'amour conquiert le mal. Du Bien peut surgir le Mal, mais du Mal peut naître le Bien. Ce dont nous avons tous besoin, c'est de construire notre amour sur une seule fondation. Noirs, Blancs, nous sommes tous les mêmes. Si tu entailles ma main, tu verras mon sang, rouge, et si j’entaille la tienne il sera de la même couleur. Je ne peux pas travailler sans toi, et tu ne peux pas travailler sans moi. Plus de guerres, plus de bombes. Eliminons les bombes, et remplaçons-les par des guitares, éliminons les flingues, et remplaçons-les par des tambours.
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