INTERVIEW :
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : Benoit Collin
le jeudi 24 janvier 2008 - 8 163 vues
Dernière signature de Coxsone Dodd à Studio One, Alpheus a depuis rejoint les rangs du label français Special Delivery. C'est avec eux qu'il a signé son deuxième et dernier album en date, "Everything for a reason", sorti fin octobre. Derrière la robustesse d'Alpheus se cache une très belle voix soul qui profite à plein des riddims (dont plusieurs classiques) joués par Bost & Bim. Et même une reprise de Phil Collins !
Reggaefrance / Qu'as-tu fait depuis la sortie de ton premier album, ''Quality Time'', chez Studio One ?
/ Depuis la sortie de ''Quality Time'', j'ai essayé en quelque sorte de me regrouper, de mieux me connaître et de mûrir. C'était parfait de travailler avec Special Delivery et leurs musiciens talentueux, Bost & Bim. Doucement et sûrement.
En 2004 disparaissait Coxsone, que retiens-tu de toutes ces années passées au côté du plus célèbre producteur de reggae ?
Je me souviens de l'amour et du respect que me témoignait ''Sir D''. J'étais simplement (et je suis toujours) un travailleur consciencieux qui trébuchait sur sa carrière, et lui et sa famille m'ont recueilli, accepté les bras ouverts. Ils croyaient en moi et en ma voix. Ca été une période heureuse dans ma vie parce que j'avais connu des problèmes à New-York auparavant. Ils ont soigné mon cœur et mon esprit. Je n'oublierai jamais Coxsone Dodd. Il y a une grande photo de lui dans mon appartement… et dans mon cœur.
Tu sembles avoir une préférence pour le rocksteady, qui n'est pas le genre le plus populaire en Europe. Pourquoi as-tu quitté les USA ?
Je n'ai pas vraiment choisi de venir en Europe. Je suis ici pour un temps, et je finirais par partir. Je ne sais pas quand mais hey ! si je n'avais pas rencontré Special Delivery, peut-être serais-je déjà parti depuis longtemps ! Tout a une raison, you know. (''Everything for a reason'', titre de son album, ndlr). Si tu m'avais dit il y a cinq ans que j'étais un artiste rocksteady, je t'aurais répondu que non. Mais maintenant, après avoir mûri en tant que personne et musicien, en m'écoutant chanter sur ce genre de riddims encore plus confortables, tu as peut-être raison. Mais sérieusement, je ne me limite pas au rocksteady, je suis capable de chanter de la pop, du rock, de la soul… tout ce qui est bon musicalement et qui me correspond, comme tu peux l'entendre sur l'album. Des morceaux comme Rude Yute, Rest Assured, Mother Dearest, Sad Face… ces morceaux ne sont pas du rocksteady mais l'alchimie, le groove fonctionnent. You know what I mean ?
Parlons de ton album, ''Everything for a reason''.
Cet album est le fruit d'un travail collectif, grâce aux bonnes relations que j'entretien avec JP et Pierre de Special Delivery. Mes textes abordent mes expériences, bonnes ou mauvaises, que j'ai connues ces sept ou huit dernières années. Beaucoup des titres ont été enregistrés en France ces deux dernières années, avec l'aide de Bost & Bim. On a appris à bien se connaître depuis cinq ans. D'où cette alchimie musicale, dont l'album est le résultat.
Il n'y a que des producteurs européens : Special Delivery, Powpow, Irie Ites, Stingray…
C'était un travail quasi exclusif avec Special Delivery. En tant qu'artiste, quand tu travailles de cette manière avec des musiciens ou un label, le résultat ne peut être que meilleur. Parce que tu connais parfaitement le caractère musical de chacun, ses désirs. Ca favorise la cohérence du résultat. Tous les autres producteurs étaient des idées de Special Delivery, ce qui fait que la tonalité de l'album est combinée, et non pas figée. Une bonne idée, je trouve…
Tell him the truth avec Kiprich est une très bonne chanson, comment est-elle née ?
Oui, il y avait une bonne vibe. L'idée de la chanson venait de moi. C'est une histoire vraie, comme toutes mes chansons. Elle parle de moi et d'un ami artiste qui appréciions la même fille. Je voulais que la fille lui dise la vérité à propos de ses sentiments pour moi, et mon ami a été comme l'est Kiprich sur le morceau… J'ai proposé l'idée à Special Delivery et ce sont eux qui ont pensé à Kiprich. Ils pensaient qu'il serait idéal dans le rôle de l'ami qui veut la fille, et ils avaient raison.
Il y a aussi le morceau My Sound, pourquoi chanter sur les sound systems ?
Les sounds systems ont façonné le reggae, depuis l'époque de Coxsone et Duke Reid jusqu'à maintenant. Au plus profond de moi, je suis un sound man, depuis que je suis tout petit, quand j'ai grandi à Londres. Pierre de Special Delivery a beaucoup insisté pour que j'enregistre un morceau de sound man. Au début je ne voulais pas, mais il savait qu'il allait réussir à me convaincre parce qu'il me connaît bien. J'ai rapidement cédé quand il est arrivé avec la version de Irie Ites du Rocking Time de Studio One. Mon ami Nicky Jackson, qui avait un gros sound system à Londres dans les années 80 m'a aidé à écrire le texte. I love this tune !
Ton album mêle roots, rock steady, one drop, lovers rock, ska… Tu aimes tous ces genres, ou l'objectif est de toucher un maximum d'auditeurs ?
Quand j'ai fait ce mélange de sous-genres reggae pour cet album, je pensais à toucher des personnes différentes. On voulait simplement faire de la bonne musique, et voici le résultat… Mais je suis content que ce soit un éventail de bon reggae.
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