INTERVIEW : BAZIL
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : Christian Bordey / Big Jay
le mercredi 23 novembre 2011 - 9 173 vues
C'est le grand moment pour Bazil, qui sort son premier album "Stand Up Strong". Ce jeune chanteur, qui a fait ses classes au sein de la scène tourangelle aux côtés de Brahim, Biga Ranx ou Jornick, a rencontré Sherkhan au hasard de ses voyages en Jamaïque. Le producteur français exilé à Kingston lui a ouvert les portes de son Tiger Studio, et après deux singles sur ses riddim Electricity et Box Guitar, lui a concocté son premier opus, "Stand Up Strong". Reste maintenant à le défendre sur scène.
Reggaefrance / Comment t'es-tu développé musicalement ? / J'ai grandi à Tours, j'ai commencé à vouloir faire de la musique. A 14-15 ans, j'ai commencé la guitare. Arrive un moment où tu trouves la musique qui te plaît. J'ai découvert le reggae asssez jeune, c'est une musique qui m'a fasciné. J'y suis allé de moi-même. En jouant de la guitare, j'ai commencé à chanter, à reprendre des chansons de Bob Marley. Je passais des heures dans ma chambre, à chanter pas trop fort pour ne réveiller personne.
Après j'ai découvert les sound-systems de Tours, notamment African Heritage et Ride De Vibes. Ce sont les mecs de Ride De Vibes qui m'ont contacté après avoir entendu quelques sons que j'avais bricolés avec ma guitare. A l'époque, je ne connaissais que le roots des années 70, quand ils m'ont proposé de faire des dubplates, c'est à peine si je savais ce que c'était ! A partir de là, je me suis intéressé aux deejays. En sound system, c'est difficile de chanter un morceau à l'ancienne, le public aime mieux les deejays. A l'époque, je n'étais pas vraiment actif, j'enregistrais quelques dubplates, mais je ne faisais pas beaucoup de scènes. J'étais en soirée, je voyais Brahim, Biga, Jornik…
D'ailleurs, Biga Ranx sort son album en même temps que toi… C'est lui qui le premier m'a donné le micro pour chanter dans une soirée. A l'époque, j'étais terrorisé de chanter devant des gens. Je me souviens avoir posé sur le Doctor's Darling riddim de Seeed. C'était une période un peu spéciale. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire, j'avais fini les cours, et puis j'avais une rupture difficile qui m'a poussé à prendre l'air.
Du coup tu pars aux Etats-Unis. J'ai accompagné des potes à New-York. Au moment de repartir, une semaine après, j'ai décidé de rester. J'ai eu un coup de cœur, je suis resté là-bas. Je vais aux soirées, et je me prends une grosse claque. Je découvre l'ambiance yardie que j'avais goûtée à Londres. Je travaillais la langue, j'ai commencé à écrire des paroles. J'ai rencontré des artistes pendant des sessions dubplate, comme Wayne Smith. Il habite dans le même bloc que Ansel Cridland des Meditations. Il m'a donné son numéro, et j'ai fini par avoir le courage de l'appeler. Je me suis retrouvé dans sa cuisine, lui qui avait bossé avec Bob… On a fait une jam acoustique, c'était des bons moments…
C'est le genre de choses qui m'ont encouragé. J'ai continué à écrire, et j'enregistrais des mixtapes sur les riddims du moment. C'était compliqué de faire du son à New-York, parce que je logeais avec plein de gens. Ça se passait toujours au casque, le soir, en s'appliquant à ne pas faire de bruit… J'avais vraiment envie de m'enregistrer, donc je suis allé dans le Queens, chez un mec que je connaissais. Il n'y avait pas d'ordinateurs, tout était analogique, et je chantais au milieu de son salon... C'était un peu système D, mais tu apprends plein de trucs comme ça.
 Stand Up Strong et Don't you stop sont des titres que je m'adresse à moi-même 
Depuis les Etats-Unis, tu pars en Jamaïque pour la première fois. La première fois, je suis resté dans la campagne, entre Negril et Montego Bay. Ça m'a mis une claque. Petit à petit, tu t'habitues, tu comprends d'où vient le son : là-bas, c'est le bordel, il y a de la musique partout. J'y suis retourné seul, pendant un mois, dans l'idée de travailler, d'aller cd en main affronter le truc. La connexion s'est finalement faite rapidement, on m'a introduit dans un studio à Ocho Rios où je suis resté quasiment le mois entier. J'ai partagé des super moments avec plein de gens, des jeunes artistes… Merciless passait de temps en temps dans le studio…
Au troisième voyage, tu fais la rencontre de Sherkhan, un compatriote. Les mecs du studio d'Ocho Rios s'étaient disputés, je ne pouvais plus enregistrer là-bas. Après avoir traîné deux semaines dans la campagne, je me suis décidé à partir à Kingston. Un Jamaïcain que je connaissais me passe un jour le téléphone, sans un mot. Au bout du fil, c'était Sherkhan. Je ne savais même pas que c'était un Français !
Je suis allé au studio Tiger Records avec mon disque. Ça lui a plu, et il m'a proposé de faire un album.
L'album s'appelle "Stand Up Strong". C'est un credo ? C'est vrai qu'en regardant les titres… Avec du recul, je pense que ce sont des titres que je m'adressais à moi-même. "Stand up strong", c'est ce que je me disais pour m'accrocher. De la même manière, "Don't you stop", c'est plus des mots que je me disais pour moi que pour les autres.
C'est aussi le cas dans Critical Situation. A la base, j'ai commencé à écrire cette chanson en pensant à Haïti. Finalement, c'est plus générique. Le deuxième couplet s'adresse aux gens : "Stand strong, it's what life is all about". Ca rejoint cette idée : réussir à surmonter les obstacles, te surpasser… Parce que je crois à ça : à force de persévérance, on finit par obtenir ce que l'on souhaite. Même si cela prend du temps et de l'énergie… C'est un peu la devise de l'album.
A quoi peut-on s'attendre ? Il n'y a que des riddims de Sherkhan. Il y a quelques titres vieux de trois ans auxquels je n'ai pas trop touché, et puis des titres plus récents, écrits sur place. Ça reste un album reggae. Il y a quelques titres d'influence hip-hop comme le Electricity riddim, quelques dancehall au sens où le flow et le tempo sont plus rapides… Mais ça reste très reggae. Celebrate est assez spécial, c'est un peu hip-hop, mais j'essaie de faire le deejay et le refrain est chanté… je ne sais pas quelle étiquette on pourrait lui mettre. J'aime bien les artistes comme Patrice, dont j'adore le premier album, ou Ben Harper… Tu ne peux pas vraiment leur mettre d'étiquette. J'aime leur manière de fonctionner. Ils ne s'attachent pas à un genre pour y rester, ils font ce qu'ils ont envie de faire. Je pense aussi qu'il y a beaucoup de doute dans cet album, dans le sens où je ne suis pas sûr que tout fonctionne, mais il y a aussi beaucoup de confiance en l'avenir. C'est doux-amer...
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