INTERVIEW : DERAJAH
Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : Sarah Pahlmer
le mardi 29 novembre 2011 - 9 450 vues
Découvert sur le projet acoustique Inna De Yard, Derajah sort son premier album solo, "Paris is Burning". Prévu pour sortir sur le label Makafresh l'année dernière, les démêlés de Makasound ont repoussé le projet sans pour autant le mettre à l'index. Tant mieux : enregistré avec les musiciens parisiens du Donkey Jaw Bone, "Paris is Burning" est l'un des meilleurs albums de roots de cette année. Entretien.
Reggaefrance / Tu as attendu que les fondateurs de Makasound se remettent sur pied pour sortir ton premier album. C'était important de le sortir avec eux ? Derajah / Oui ! Ils étaient les premiers à vouloir emmener mon travail à l'international. Il était donc très important pour moi de travailler avec eux.
Comment est né ce premier album ? Well, c'est une histoire de frangins, une longue histoire ! L'idée de l'album "Paris is Burning" était d'exposer les morceaux sur lesquels je travaille depuis quelques années avec le groupe. J'adore le reggae roots donc c'était un plaisir de réaliser cet album avec Donkey Jaw Bone ! C'est un plaisir de monter sur scène à leurs côtés et de partager notre musique.
L'album est très arrangé, avec des flûtes, claviers et cuivres… Comment as-tu travaillé avec le Donkey Jaw Bone ? Comme je te le disais, c'était pour moi un vrai plaisir de travailler avec Donkey Jaw Bone. Ces gars sont très créatifs, ils font de la bonne musique. C'était vraiment une bonne chose de se rencontrer et de travailler ensemble. On s'est rencontrés via MySpace il y a deux ans environ. Puis ils sont venus en Jamaïque et on a commencé à travailler sur quelques morceaux. Maintenant, "Paris is Burning" est achevé, et nous avons déjà commencé à travailler sur un second album.
 La nouvelle génération, moi inclus, doit faire mieux que les générations précédentes 
Earl Chinna Smith et Kiddus I sont aussi de l'aventure. D'une certaine manière, c'est la famille Inna De Yard qui se retrouve… Chinna est là depuis le début. C'est lui le compositeur original de Who Yeah Yah (son morceau sur le 2e volume de Earl Chinna Smith & Idrens Inna De Yard, ndlr). Donkey Jaw Bone a repris ce morceau en y ajoutant une intro et plusieurs instruments. A ma demande, ils ont également repris l'instrumental de Graduation in Zion de Kiddus I, sur lequel je chante Burn dem to rass.
L'album ne compte qu'un seul invité, Big Youth. Pourquoi lui ? Humm… Big Youth est surnommé Jah Youth et c'est également comme cela qu'on m'appelle. Big Youth est un artiste au talent unique, et c'est en plus un bon ami à moi. J'aime vraiment son style ! C'est pour ça que je lui ai demandé de participer sur une chanson, Run Run.
Les Français t'ont découvert sur le projet Inna De Yard avec ton titre Who Yeah ya. C'est un peu devenu ton hymne… Humm… Si les gens veulent le voir comme un hymne, très bien, c'est un plaisir ! Mais j'ai beaucoup d'autres morceaux, et si les gens les écoutent, ils les aimeront autant que Who yeah ya, ou plus encore ! Who Yeah Ya n'était qu'une inspiration passagère, alors que je passais un bon moment.
Comment est née la chanson Paris is burning ? J'ai écrit cette chanson pendant mon premier séjour à Paris. Elle m'a été inspirée par toute cette pauvreté, que tu voies aussi bien à Paris, en Jamaïque et dans le reste du monde. Par l'injustice, également… Donc j'ai décidé de faire un petit feu dans Paris pour purifier, car le feu est purification.
Et Work ? J'aime travailler, c'est quelque chose de naturel chez moi. Si tu ne travailles pas, tu ne mangeras pas, ça fait partie des commandements, you know… Donc je renforce l'idée du travail, pour tout le monde.
Les thèmes Ghetto youth falling out C'est une chose presque naturelle qui a lieu partout : les jeunes des ghettos meurent. Y'endastand ! J'ai donc décidé d'écrire une chanson pour les jeunes qui meurent quotidiennement pour ce système qu'on appelle Babylon.
Les thèmes de Mario et de My Sister ne sont pas gais non plus… Mario est un ami à moi, c'était aussi un ami de la famille… Il a quitté la Jamaïque il y a deux ans pour s'installer en Angleterre et il s'est fait tuer par des gangsters. Humm… C'est de ça qu'est née la chanson. Ma sœur aussi s'est faite tuer par un homme en Jamaïque.
Vocalement, tu vas du baryton au falsetto, quels sont les artistes qui t'ont influencé et donné envie de chanter toi-même ? Humm… J'ai été influencé par beaucoup de chanteurs : Bob Marley, Michael Jackson, the Heptones, Junior Murvin… Et beaucoup d'autres, la liste continue !
Les artistes culturels sont moins représentés parmi les artistes populaires… Que penses-tu de la nouvelle génération d'artistes ? La popularité ne fait pas tout. La meilleure des choses, c'est quand tu peux apporter ta contribution et faire de ton mieux, dans une démarche consciente. La nouvelle génération, moi inclus, doit faire mieux que les générations précédentes. J'espère que l'on maintiendra un haut standard et qu'on ne se laissera pas enfermer dans le négatif.
Que penses-tu des sujets de leurs chansons ? J'ai entendu des thèmes différents… Mon seul souhait est qu'ils restent toujours connectés à la réalité. Les deejays que je considère sont U-Roy, Big Youth, Sizzla et Matthew McAnuff…
Que penses-tu de l'inculpation de Vybz Kartel qui attend en prison son procès pour meurtre ? Kartel & Derajah sont deux artistes différents, avec deux objectifs différents. J'aime que les gens agissent correctement. Kartel doit être prudent, c'est tout ce que j'ai à dire.
Quels sont tes projets sur ton label, Family Tree Music ? Le meilleur est encore à venir. Attendez-vous à de nouvelles chansons de Derajah et d'autres artistes sur le label Family Tree Music !
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