INTERVIEW :
Propos recueillis par : Benoit Collin
Photos : BC & DR
le jeudi 30 août 2007 - 27 995 vues
"Free Jah Cure !" entendait-on au détour d'un concert de Capleton, Jah Mason, ou d'autres. C'est chose faite : Jah Cure est sorti de prison après huit ans derrière les verrous, lui qui avait été condamné à 15 ans de réclusion. Mais là où la prison a brisé net l'élan artistique de certains chanteurs, les barreaux semblent avoir été profitables à sa carrière.
Fort de trois albums tous sortis pendant son incarcération, et d'un soutien toujours plus important à chaque fois, Jah Cure est sorti de prison plus célèbre qu'il n'y est entré. Ce n'est pas pour rien que sa libération a été anticipée de plusieurs heures, pour éviter les fans et les journalistes. Porté par un engouement que peu d'artistes ont connu (en témoigne l'affiche hallucinante du Curefest, organisé pour commémorer sa nouvelle liberté), Jah Cure est désormais à l'aube d'une nouvelle carrière.
Reggaefrance / Comment vis-tu tes premiers jours de liberté ? / Ces jours sont formidables. Ce sont des jours que j'ai voulu passer avec ma famille et les gens que j'aime.
Ta carrière aurait pu être brisée par ton incarcération, mais c'est l'inverse qui s'est produit : tu es sorti de prison plus connu que quand tu y es entré… Ce n'est pas vraiment la prison qui compte, c'est l'état d'esprit. Ah so it go. Certains parviennent à revenir et rencontrent le succès. D'autres réussissent à revenir, mais ne font que la moitié du chemin... Moi j'ai pris cette décision, you know.
C'est un nouveau départ ? Non, ce n'est pas un nouveau départ. J’ai juste repris la musique où je l’avais laissée.
En prison, tu as enregistré plusieurs chansons. Il y a notamment True Reflection… C'est Duane Stephenson qui a écrit cette chanson, je n'avais plus qu'à la chanter.
Est-ce une chanson de rédemption ? Non, c'est une chanson qui s'adresse à tous les détenus et à tous ceux qu'on retient enfermés. C’est la position dans laquelle j’étais. Personne d’autre ne pouvait passer ce message au monde comme je l’ai fait. C'est une chanson pour tous les détenus du monde, un message de lutte universelle, qui invoque leur réhabilitation.
Quand as-tu appris que tu allais être libéré ? Tu ne le sais que le jour où tu es libéré, personne ne connaît la date. C’est la Jamaïque : tu vas en prison en un jour et on te dit un autre jour que tu peux t’en aller. Ca aurait pu durer vingt ans, et tu ne le sais que le jour où tu es libéré. Si tu survis jusqu’à ce jour.
La prison est si dure ? Tu ne dors pas sur un lit de roses là-bas, mon frère.
Es-tu en colère contre la justice jamaïcaine ? J’ai été en colère pendant toutes ces années. Maintenant, là où je suis, je suis d’une humeur à apprécier la vie, où je veux amener ce que j’ai pour le livrer au public. Tu ne peux pas avoir de colère dans la musique…
Penses tu qu'il y ait eu une injustice ? Non, laissons cela derrière nous… Je ne me concentre pas sur la négativité.
Appréhendais-tu de remonter sur scène après huit ans ? Non, jamais. J’étais heureux. J’étais impatient de voir mon public et de sentir l’énergie des gens. J’avais hâte de recommencer à travailler.
As-tu autant confiance qu'avant d'aller en prison ? J'ai encore plus de confiance maintenant, avec tout l'amour que j'ai reçu
Comment t'es-tu retrouvé à donner ton premier concert en Europe et non en Jamaïque ? Il se trouve que le Curefest, qui se tiendra en octobre, devait avoir lieu mi-août. Comme on n'a pas pu le faire à cause des élections (elles-mêmes décalées en raison du passage de l'ouragan Dean sur la Jamaïque, ndlr), on a décidé d'aller en Hollande. Le jour des élections a été communiqué après qu'on ait annoncé le Curefest. Mais on ne pouvait pas faire autrement, c'est dans la Constitution jamaïcaine : une réunion publique ne peut avoir lieu les jours précédant les élections. On devait repousser notre date à plus tard.
Tu ne donneras aucun concert en Jamaïque d'ici là ? Il y a beaucoup de demandes mais nous nous en occuperons après. J’attendrai après le Curefest car je prépare une grosse prestation pour cette soirée.
Avec quels producteurs as-tu l'intention de travailler ? Pas avec tout le monde. Je ne peux même pas vous le dire. On ne planifie pas la musique. Je suis ici, à profiter de ma liberté, à faire de la musique, faire ce que j'aime. Quoiqu'il en coûte. Je ne peux pas dire avec qui je travaillerai, pas plus que avec qui je ne travaillerai pas. Ce qui arrivera, arrivera.
En novembre 2005, Irie FM a décidé de ne plus passer tes morceaux car elle recevait des intimidations de personnes réclamant plus de tes morceaux à l'antenne… Je ne sais pas, j'étais en prison et quelqu'un m'a rapporté cette histoire. Ca ne peut pas être quelqu'un de mon entourage. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais ça pourrait être n'importe qui. J’étais juste en train de souffrir tous les jours. Je ne sais pas qui a appelé la radio mais c'était stupide.
Maintenant que tu es libre, qu'attends-tu du futur ? La musique, rien que la musique. Je veux donner le meilleur de moi-même.
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