Propos recueillis par : Sébastien Jobart
Photos : DR
le samedi 31 mai 2008 - 9 175 vues
Richie Spice n'a guère changé. Déjà en 2004, quand on le rencontrait à Londres au milieu des autres membres du Fifth Element Crew, son détachement nous avait marqué. Réponses sibyllines, presque chuchotées... L'homme n'avait pas vraiment la marque des grands orateurs. A l'heure où sort son quatrième album, "Guideon boot", c'est un Richie Spice égal que nous retrouvons pour revenir avec nous sur son récent parcours. Sans s'épancher.
Reggaefrance / Nous t’avons rencontré pour la dernière fois à Londres il y a quatre ans. A cette époque, tu faisais partie du crew 5th Element. Tout cela doit te paraître loin maintenant ? / Oui, cela fait longtemps.
Tu te sens maintenant totalement indépendant de Fifth Element ? C’est de l’histoire ancienne. Je remercie pour la vie, car tant que tu es en vie, tu sais que tu continueras à avancer. Je grandi en passant d’une épreuve à l’autre, c’est ce qui se passe. Je continue à avancer. Je suis content d’être là.
"In the street to Africa" t’a vraiment établi comme un des leaders des chanteurs reggae conscients. Je ne me considère pas comme spécial par rapport aux autres artistes. Mais j’ai été spécial par rapport à moi-même. Jah m'a béni, j’ai un pouvoir divin, une certaine inspiration pour faire de la bonne musique pour les gens ici. Je me sens donc spécial en moi-même.
Le chemin a pourtant été long pour toi jusqu’à la reconnaissance et le succès. Ce fut une période difficile, très dure.
As-tu pensé à quitter la musique ? Oui, ça m’a passé par la tête à un moment, mais je me suis accroché. Je savais qu’un jour, ça arriverait. J’ai continué à créer de la musique. Car sans la musique, cela aurait été plus dur.
Il semble que tu sortes moins de singles, tu te concentres plus sur les albums. Oui, car un album montre mieux ton art et ta créativité. Je fais toujours des singles mais j’essaye de compiler les albums pour amener vraiment une histoire autour des chansons.
Peux-tu nous parler de ton nouvel album "Guideon boot" ? "Guideon boot" dit aux gens de se rassembler, de s’affirmer fermement, que s’ils veulent le pouvoir, ils peuvent l’avoir. Ils ont le pouvoir de représenter leur fierté et de montrer l’exemple pour les générations futures. L’album comporte 16 titres, le producteur exclusif en est Bobby Digital, mais il y a deux chansons dans l’album qui sont créditées à deux autres producteurs : Arif Cooper pour World is a cycle sur le riddim Guardian Angel et Flavor, qui a produit la chanson Di plane land.
Tu avais déjà enregistré pour Digital B ? Oui. J’avais déjà travaillé sur quelques titres. Bobby a de quoi faire un album depuis quatre ou cinq ans !
Sur la pochette de ton premier album, "Universal", tu apparais avec un large sourire. Tu as l’air beaucoup plus sérieux sur tes dernières pochettes. J’ai toujours été sérieux. Mais plus tu grandis, plus tu apprends. Plus tu joues de la musique, plus tu peux avoir cette confiance sur ton visage. Mais j’ai toujours ce sourire intérieur car celui là ne te quittes jamais.
Parlons du texte de la chanson In the streets, au regard de la situation jamaïcaine. En Jamaïque actuellement, la situation empire, mais cela ne concerne pas que la Jamaïque, c’est une crise mondiale. C’est aussi pour cela que j’ai intégré cette chanson, World crisis, à l’album. Car cette situation est mondiale comme tu peux le voir actuellement avec la flambée des prix que le monde entier ressent. Tout cela met le monde sous pression actuellement.
Es-tu impliqué politiquement, dans ta communauté ? Non, non, je suis pour le peuple. Mais je suis impliqué dans ma communauté, pour aider les jeunes, financer des activités sportives, des ordinateurs pour les écoles.
Clive Hunt a produit Grooving my girl, souhaiterais-tu travailler de nouveau avec lui ? Oui, j’aimerais. Clive Hunt est aussi un des producteurs présent sur l’album "In the streets to Africa". Il a produit la combinaison avec Spanner Banner, Baby face.
Il y a cinq ans, le new roots était au top des charts. Maintenant, le dancehall semble plébiscité par le public. Que penses-tu de ce nouveau cycle musical ? La musique reggae est le style de musique que je chante. Il ne s’épuise jamais, il ne change jamais. Le dancehall pour moi est un style de musique qui a besoin de promotion, de sponsors pour exister. Ce n’est pas ce que je chante. Moi, je chante une musique de longue durée, éternelle, ce qui veut dire que tu peux la jouer encore cinq ans après. Sur "Gideon boot", il y a des titres qui datent de quelques années et tu peux toujours les jouer, y trouver de la matière et de l’énergie.
Peux-tu nous parler du Spice show que tu organises chaque année dans ta communauté ? Spice est un show que j’ai organisé dans ma communauté, mais je ne suis pas sûr de tenir l’événement cette année parce que je suis à la recherche de sponsors pour le réorganiser de manière professionnelle, à un autre niveau. Je garde à l’esprit qu’il faut conserver cet événement. Je reste actif dans ma communauté…
Red Stripe s'est retiré du sponsoring du Sumfest et du Sting. Qu’en penses-tu ? Red Stripe s’est retiré du sponsorship reggae à cause, selon eux, des paroles de certains artistes dancehall. Cela cible un certain type de musique. Je ne sais pas quoi dire sur ce sujet car moi, j’ai fait le boulot, comme je devais le faire, sans dévier.
Que se passera-t-il si un artiste conscient comme toi, qui n’a rien à voir avec le dancehall, ne peut plus trouver de sponsors pour son propre show ? J’ai fait de mon mieux, que puis-je faire de plus ? J’ai toujours essayé de garder la musique propre mais maintenant d’autres essayent d’effacer notre musique avec un autre style de musique, au lieu de supporter la musique que je joue. Ils devraient faire marche arrière et supporter le type de musique que je fais.
Quel est le thème du single Di plane land, dont tu as tourné le clip à New-York ? Elle parle de la situation des gens qui voyagent régulièrement et traversent les frontières. Je me rappelle j’étais en tournée et je suis arrivé aux Etats-Unis, je voyageais avec un médicament à cause du froid, je n’ai pas pu passer la douane et j’étais vexé par cette situation. C’est juste une méditation sur les gens qui voyagent. Tous les gens qui ont déjà pris l’avion pour l’étranger savent de quoi je parle.
Quelles sont tes relations avec Chuck Fender ? Il a quitté le Fifth Element depuis longtemps mais tu continues à partager des scènes avec lui en Jamaïque et aux Etats-Unis. Ma relation avec Chuck Fender est ok. Nous nous sommes vus l’autre jour en studio. Je n’ai jamais eu de problème avec lui : on fait le même travail, on partage la scène, le micro, le casque.
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