INTERVIEW :

Propos recueillis par : FX Rougeot
Photos : DR
le mardi 16 novembre 2010 - 11 260 vues
Au lendemain de son show parisien dans un Cabaret Sauvage plein à craquer, Gyptian a distillé ses chansons à Esch-sur-Alzette, deuxième ville du Luxembourg, devant un public très féminin, venu lui crier (le mot est faible) tout son amour. "Paris, c'était fou. Ici, c'était différent, mais la "vibe" était la même", dit-il, après avoir signé une centaine d'autographes et posé aux côtés d'autant de jeunes femmes en backstages. Boosté par son tube Hold You, Gyptian a la cote : il le sait et en joue, sur scène comme en dehors.
Précédé de Nitty Kutchie, accompagné de l'excellent Royal Roots band, le Don Juan de Barbican livre un show plaisant. Entre deux roucoulements, Gyptian oscille entre références strictly roots (ses premiers amours) comme Coming In From The Cold de Bob Marley ou Jah Jah see dem a come de Culture, ses morceaux fondateurs (Serious Times, Beautiful Lady, I can feel your pain) et l'inévitable Hold You, conclusion de la soirée. La suite ? "Il me reste une vingtaine de dates. Après… Je ne sais pas encore mais je resterais bien en France un moment. Et en Europe. C'est un endroit magnifique et les gens sont fabuleux", sourit-il.
Reggaefrance / Tu te sens si bien en Europe ? / (Il s'exclame.) Yes man ! C'est comme ma deuxième maison. Je me sens toujours le bienvenu ici. L'environnement est agréable, c'est beau.
Parle nous d'Hold You… Hold You est une chanson sur laquelle les filles se font plaisir, pour danser, faire la fête, passer du bon temps. Juste pour ne pas se prendre la tête, et se relaxer le corps.
Est-ce un tournant dans ta carrière ? Pas vraiment un tournant, c'est plus une avancée.
 Je suis la Jamaïque. Partout où je vais, c'est la Jamaïque, parce que je suis là.  Ton style a-t-il changé entre le Gyptian qui chantait Beautiful Lady ou Serious Times, et celui qui chante Hold You ? Non. Ça prouve juste que Gyptian est très polyvalent, et qu'il utilise cette polyvalence.
Mais tu n'as pas l'impression de chanter davantage pour les filles ? Non, ça va plus loin que ça. Les shows de Gyptian sont très énergiques, ils sont pour tout le monde, garçons comme filles. Tu entends plus les filles, mais il n'y pas de mal à ça, si ? (Il sourit) Non, pas du tout !
Pourquoi les filles t'apprécient autant, penses-tu ? Parce qu'elles aiment ma voix, mon style, mon "swagg". C'est comme ça.
Peux-tu nous dire un mot sur ton dernier album, "Hold You" ? C'est un album de style roots-rock-reggae. Tout le monde peut danser dessus, faire l'amour dessus, se relaxer l'esprit en l'écoutant, partir en voyage en l'écoutant. C'est un album universel. Comme un punch aux fruits : un peu de çi, un peu de ça, un peu d'épices.
Quel est ton objectif, en tant qu'artiste reggae ? Remettre le reggae à la place qu'il occupait. Bob Marley l'a emmené dans une haute dimension et personne ne l'a fait depuis. Sean Paul et Shaggy sont les seuls à l'avoir fait. Voilà mon but, en quelque sorte.
Quelles musiques écoutais-tu, enfant ? Un peu de tous les styles : hip-hop, rn'b, blues, jazz… J'écoutais tous les styles, parce que je trouvais un sens dans chacun de ces styles. La musique en elle-même n'a pas d'emprise sur moi, elle ne me contrôle pas. Je dois juste l'accepter pour ce qu'elle est et me tourner vers ses vibrations.
Comment as-tu découvert, jeune, que tu devais chanter ? J'ai ressenti que chanter était relaxant. J'ai eu la chance de faire quelque chose de différent des autres, c'était la bonne voie.
La première fois que tu as chanté, c'était quoi ? (Il sourit, et se met à chanter). "Happy way-ay-ay." Je ne savais même pas comment la chanter… Ma première chanson sur scène, c'était Old Anna. Ensuite, il y a eu celle-ci (Il chante encore) : "From the very first time, that I saw you girl…" C'était les chansons que je chantais tout le temps. Ensuite, j'ai commencé à écrire mes propres chansons. J'écoutais Bob Marley, et je chantais des chansons vraiment faciles à écrire. Tu dois chanter des choses que les gens espèrent, ou attendent avec impatience.
Qui t'as donné l'opportunité de chanter devant un public ? D'abord, mon père m'a fait entrer dans la danse. Il avait un sound system à Barbican. Plusieurs artistes viennent de là : Cutty Ranks est de là-bas, Burro Banton… D'autres sont viennent de cet endroit, mais je ne me souviens plus de leurs noms.
La Jamaïque te manque-t-elle, quand tu es en Europe ? Non ! Je suis la Jamaïque. Partout où je vais, c'est la Jamaïque, parce que je suis là.
Comment as-tu choisi ton nom ? Il paraît qu'un jour, ta coiffure ressemblait à la couronne des pharaons, et tes amis ont trouvé ce nom... En fait je ne l'ai pas choisi. Ca vient de ces moments assis, à évoquer des choses. On essayait de me trouver des noms. Ils ont vu ma tête comme ça et ils m'ont dit : "tu ressembles à un Egyptien." On est allé en studio, on a joué direct. Et le nom s'est répandu, même dans ma famille. C'est comme ça que ça a commencé.
Finalement, ce nom universel est en adéquation avec la trajectoire qu'emprunte ta carrière… Oui, parce qu'il est connu par tous.
Peux-tu nous donner ton avis sur ce qui arrive à Buju Banton ? Ca nous dépasse, moi et toi, parce que c'est une enquête fédérale. Mais j'espère qu'il pourra reprendre très vite la musique, parce que les gens en ont besoin. C'est "mon" artiste, mais pour moi, c'est un musicien, c'est tout. Je n'ai rien d'autre à dire sur ce qui lui arrive, parce que ce ne sont pas mes affaires. C’est mon artiste et il devrait sortir bientôt.
Parlons de quelque chose de plus léger. Aimes-tu l'athlétisme ? Yes man !! Usain Bolt est l'homme le plus rapide du monde. Je me demande combien de courses il va encore gagner !
Turbulence nous confiait un jour que s'il n'avait pas été chanteur, il serait aussi rapide que Usain Bolt… (Sérieux). Si je n'avais pas chanté, j'aurais protégé les gens… Ou je les aurais sûrement volés ! (Il rigole.) Mais bon aujourd'hui je chante, donc tout va bien. Je remercie la vie.
Que penses-tu de l'auto-tune ? L'auto-tune, c'est juste rendre la musique plus jolie. C'est une nouvelle technologie qu'ils essayent d'improviser dans la musique. Mais quand un chanteur arrive sur scène, c’est là en général que les problèmes surgissent… Il faut savoir comment l'utiliser.
Ta voix ne semble pas en avoir besoin… Non, pas trop. Pendant l'enregistrement, on en met un peu pour embellir. Sur scène, on fait à peu près la même chose.
Quelle est la chanson que tu retiens dans ton répertoire ? Serious Times, parce que c'est la première qui a explosé. Il fallait que je l'écrive, tellement de choses se passaient en Jamaïque à l’époque.
Au vu des derniers évènements en Jamaïque, as-tu peur pour ton pays ? Peur ? Non, je n'ai pas peur : je suis sans peur. Bien sûr que j'ai confiance en mon pays, parce que je suis de là-bas, que je représente ce pays, que j'y suis né. J'aime tout en Jamaïque : la liberté, le style de vie… Des fois ça peut être très hostile, mais il y a plein de gens aimants à rencontrer. C'est un endroit superbe, les gens veulent juste s'amuser.
De nombreux artistes jamaïcains comme Barry Brown, n'ont gagné ni argent ni reconnaissance, alors qu'ils auraient mérité bien plus que cela… A leur époque, ce n'était pas comme ça. Mais chacun doit faire face à son propre Jugement. Je dois protéger le mien. Je suis juste triste qu'ils méritent mieux et qu'ils ne l'obtiennent pas. Je sais ce que je vaux et je suis "priceless". Donc je ne pense même pas que l'argent puisse m'acheter. Personne ne peut me juger ou dire ce que je mérite. Je sais ce que je dois obtenir. Presque tout le monde dans la vie rencontre différentes étapes ou différents chemins et prend ses propres décisions. Je sais que ce qui se passait à cette époque n'était pas juste, mais cela nous a servi d’exemple. C'est ce qu'on essaye de faire maintenant : suivre ces exemples.
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